Ville de Béziers·dimanche 26 mars 2017
(Discours de Robert Ménard, maire de Béziers)
Il y a 55 ans se déroulait l’un des événements les plus tragiques, les plus inacceptables, les plus incompréhensibles de notre histoire, de notre histoire récente.
Le 26 mars 1962, rue d'Isly à Alger, l'armée française a tiré, a mitraillé une foule française. Je sais, cette simple phrase est insoutenable, insupportable : « l’armée française a tiré sur des Français ». Pourtant, cette foule manifestait pacifiquement. Et cette armée était censée la protéger.
Il faut rappeler le contexte apocalyptique de ce 26 mars 1962. L'Algérie française était morte sept jours auparavant, crucifiée par les accords d'Evian.
Des « accords » - il faudrait y mettre des guillemets - qui abandonnaient toute une partie de la France à l'ennemi, au sanguinaire FLN. Un FLN qui, sous le masque d'un pseudo marxisme alors à la mode, cachait le visage odieux de l'islamisme renaissant.
C'est donc un peuple abasourdi, désespéré, qui était dans la rue ce jour-là. Un peuple anéanti qui défilait, qui protestait. Un peuple qu'on avait abandonné au pire des sorts. Un peuple qui voyait tous ses rêves s'écrouler. Un peuple privé d'avenir. Un peuple qui jouait sa survie.
Rappelons-nous, ces Français d'Algérie étaient comme des enfants reniés par leur propre mère. Leur mère patrie. Cette France qu'ils aimaient tant, cette France qu'ils chérissaient, cette France qu'ils vivaient si intensément. Cette France qui, ce jour-là, les abandonnait, les oubliait, les reniait.
Depuis 130 ans, l'Algérie était une histoire de cœur, une histoire de passion. Elle se terminait le couteau sous la gorge. Elle se terminait sous les balles... sous les balles françaises !
Ce pays, ce beau pays que les Pieds-noirs avaient contribué à créer sombrait, trahi par des politiciens sans foi et sans parole.
Imaginons, juste un instant, le sentiment d'horreur, d’effroi des manifestants de la rue d'Isly. De ces hommes, de ces femmes, de ces adolescents pétrifiés par l'impossible, l'impensable qui survenait. L'armée, leur armée, retournait ses armes contre sa propre population !
Un crime commis contre le peuple. Un crime impardonnable. Tellement impardonnable qu'il fut censuré. Qu'il ne fut même pas commenté le soir même à la télévision. On n’allait quand même pas s’attarder sur les malheurs, sur la tragédie du peuple pied-noir !
De tout cela, souvenons-nous. Nous qui sommes nés en Algérie. Mais aussi nos enfants et nos petits-enfants qui se doivent de chérir cette mémoire. À l’image – je veux le saluer ici – de Jean-Marie Avelin, le jeune président du Comité Veritas qui, dans un appel qui m’a profondément touché, conjure les jeunes générations, nos jeunes générations de cultiver – je le cite - ces « champs de la mémoire dont les moissons seront belles parce que les semailles auront été bien faites. » Oui, cultivons le champ de nos mémoires…
Les semaines, les mois qui suivirent la tuerie de la rue d’Isly furent ceux d'un long cauchemar, d'un long martyr. Qui culmina à Oran, le 5 juillet, avec une véritable chasse aux Européens – plus de 700 morts et disparus. Qui se poursuivit avec le massacre de dizaines de milliers de Harkis, nos frères de combat, nos frères de patrie.
Au moment où certains de nos politiques vont quémander une légitimité en Algérie aux mains d'un FLN cadavérique, au moment où un candidat à la présidentielle crache sur la France depuis Alger, n'oublions jamais que la trahison est un poison lent qui intoxique depuis trop longtemps la politique française. Oui, restons sur nos gardes : la trahison est toujours possible. Les 80 morts et 200 blessés du 26 mars 1962 sont là pour nous le rappeler.
Honneur aux victimes de la rue d'Isly !
Vive l’œuvre immense de la France en Algérie !
Vive la France !
Robert Ménard, maire de Béziers