Alain Finkielkraut : "À la présidentielle, on veut nous imposer un scénario écrit d'avance"
ENTRETIEN - S'il est resté, jusqu'ici, discret sur l'élection présidentielle, Alain Finkielkraut n'en a pas perdu une seconde. C'est en philosophe qu'il a observé, avec effarement, le feuilleto...
Alain FINKIELKRAUT. - Jamais une ambiance aussi lourdement prescriptive n'a pesé sur une élection présidentielle. On n'attend pas comme naguère le verdict des urnes, on attend la confirmation dans les urnes d'un verdict déjà rendu. Les citoyens que nous sommes sont mis en demeure de valider ce scénario écrit d'avance: éliminer au premier tour le candidat de la droite et du centre discrédité par les affaires, puis élire au second le candidat d'En marche! pour faire barrage au Front national. Il ne s'agit plus, en votant, de choisir, mais d'obéir.
Et qu'est-ce que le progrès pour Emmanuel Macron? C'est d'abord de ne jamais oublier de dire «celles et ceux» quand il désigne une pluralité d'individus, c'est ensuite la dissolution de toute permanence, la liquidation de tout ce qui est solide, la libération de tous les flux. Les flux contre l'identité, la circulation contre l'héritage, l'avenir ubérisé contre l'expérience partagée, la diversité et la mobilité contre l'idée même d'une culture française et d'un art français: avec ses «helpers», ses «coworkers» et son «pôle event», Emmanuel Macron ne conçoit pas la France comme une nation, il la voit comme un open space.