16 août 2017
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Si l’armée de l’Air peut, aujourd’hui, assumer des missions sans cesse plus nombreuses et exigeantes alors qu’elle a été « essorée » par les vagues de restructurations sucessives qui ont affecté le ministère des Armées (18.500 postes en moins, format de l’aviation de combat réduit de moitié, etc…), elle le doit en grande partie à ses personnels. Et lors de son audition devant les députés de la commission de la Défense, son chef d’état-major (CEMAA), le général Lanata, leur a rendu un hommage appuyé.Je peux vous assurer que les aviateurs que je commande allient un très haut niveau de savoir-faire technologique à un enthousiasme remarquable, une discipline et une loyauté sans faille, une rusticité, une débrouillardise et une expérience opérationnelle rare, une générosité et un sens du service qui forcent l’admiration, y compris chez nos alliés », a dit le CEMAA aux députés.Pour aurant, les ressources humaines constituent un sujet sensible pour le général Lanata. « Le déficit en personnel constitue selon moi la principale lacune capacitaire de l’armée de l’air, donc la priorité des priorités. J’estime que nous sommes allés trop loin dans les déflations d’effectifs et que certains métiers font désormais l’objet d’une trop forte tension », a-t-il affirmé.Ainsi, a-t-il souligné, le « nombre de pilotes de chasse et de mécaniciens, par exemple, particulièrement mis à contribution, ne suffit pas à soutenir l’engagement actuel dans la durée », d’autant plus que « nous avons du mal à fidéliser ces personnels en raison du rythme opérationnel, de la difficulté que nous avons à les entraîner, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, face à la concurrence du secteur aéronautique privé. »Mais d’autres spécialités sont dans le même cas. « Le même phénomène affecte les spécialistes des systèmes d’information, les contrôleurs aériens, les spécialités du renseignement, des niches de compétences essentielles à la conduite de nos opérations », a avancé le CEMAA, qui a également insisté sur les difficultés constatées sur les « spécialistes de la sécurité et de la protection des bases aériennes. »« À la suite des diminutions d’effectifs décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 40 % des sites de l’armée de l’air ne disposent plus de personnel de protection dédié. Devant la bascule du contexte sécuritaire en 2015, nous avons été contraints de renforcer considérablement la protection de nos bases, alors que nous ne disposions plus des fusiliers commandos, spécialistes de la protection, en nombre suffisant », a expliqué le général Lanata.Résultat : le rythme imposé à ces unités de protection est insoutenable, ce qui a des conséquences sur leur fidélisation. « 70 % des fusiliers commandos militaires du rang ne renouvellent pas leur premier contrat et quittent l’institution », a indiqué le CEMAA. Aussi, a-t-il continué, « nous sommes obligés de recourir à des tours de garde par le personnel de toutes spécialités pour assurer la sécurité et la protection de nos emprises. »Et là, on entre dans un cercle vicieux, puisque ce personnel sollicité pour une mission qui n’est pas originellement la sienne « fait ensuite défaut dans les ateliers de réparation des avions, dans les tours de contrôle, dans les centres de commandement. » Ce qui a deux conséquences immédiate : la capacité à réaliser les missions s’en trouve limitée et cela « provoque des tensions supplémentaires, alors que la pression des opérations génère déjà un absentéisme important. » Évidemment, tout cela n’est pas sans conséquence sur le moral des aviateurs.« Les hommes et les femmes de l’armée de l’air sont la clef de ses réussites en opérations, la clef de son dynamisme et de sa transformation, la clef de notre crédibilité opérationnelle, gage de reconnaissance internationale qui conduit par exemple à l’exportation du Rafale. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cette richesse, qui se trouve aujourd’hui en danger », a prévenu le général Lanata.« J’estime donc capitale l’augmentation du format des ressources humaines de l’armée de l’air, indissociable d’un plan d’amélioration global et ambitieux de la condition du personnel […]. Cette question doit être appréhendée largement et porter sur les rémunérations, […], l’état des infrastructures, le niveau des pièces de rechanges, la nécessité de disposer d’équipements en nombre suffisant, la reconnaissance des services rendus, le logement, les familles – autant de thèmes qui contribuent au sentiment de pouvoir réussir la mission et vivre dans des conditions acceptables », a plaidé le général Lanara. Sera-t-il entendu?Faute d’investissements rapides, l’armée de l’Air risque le déclassementEn juin 2008, un collectif d’officiers anonyme, appelé « Surcouf », diffusa, par l’entremise du Figaro, une tribune acerbe pour dénoncer les recommandations faites dans le Livre blanc sur la Défense qui venait juste d’être publié. Recommandations faisant l’objet d’une « communication politique » qui, selon eux, « ne saurait masquer la réalité d’un véritable déclassement militaire de notre pays, dans un monde bien plus dangereux qu’hier. »Près de 10 ans plus tard, ce « déclassement » annoncé par le collectif Surcouf guette l’armée de l’Air, à en juger par les propos que son chef d’état-major, le général André Lanata (CEMAA), a tenus lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense.Devant déjà, dixit le CEMAA, faire face « à des fragilités qui affectent l’ensemble de son système de combat » qui sont la conséquences des politiques menées lors de ces 10 dernières années (suppression de 18.000 postes et de 17 bases aériennes, format de l’aviation de chasse divisé par deux, vieillissement des matériels, etc…), l’armée de l’Air risque, faute d’investissements rapides, de se retrouver en seconde division par rapport aux autres forces aériennes, qu’elles soient alliées ou non.Premier point d’attention, pour le général Lanata : la modernisation, tant en qualité qu’en quantité, de l’arsenal aérien et anti-aérien des « grands États », lequels mettent « en oeuvre des stratégies de déni d’accès, qu’ils disséminent ensuite au niveau régional, de l’Asie à la Méditerranée », comme le font actuellement la Russie et la Chine. D’où « la prolifération des systèmes de défense sol-air de type S300-S400, y compris sur des théâtres d’opérations régionaux », qui est « très significative ».Aussi, pour le CEMAA, le « risque de perte de notre supériorité aérienne vis-à-vis de nos adversaires potentiels – d’une importance essentielle […] – est réel. » Tout comme l’est celui « du déclassement vis-à-vus de nos partenaires et alliés, qui se modernisent plus vite que nous », a-t-il souligné.« L’avion de chasse F-35, avion furtif de dernière génération qui entre actuellement en service dans plusieurs armées de l’air européennes, mais aussi en Australie, constitue l’une des illustrations de ce risque de déclassement », a estimé le général Lanata.« J’observe une pression très importante de l’industrie aéronautique américaine en Europe, avec le déploiement progressif d’un avion de combat de dernière génération, le F-35. Ce dernier change la donne sur le plan des capacités opérationnelles en raison, principalement, de sa discrétion […] et de ses capacités de connectivité : il connecte massivement des informations avec les autres appareils du système de combat aérien », a relevé le général Lanata.Or, a-t-il prévenu, « dans moins de 5 ans, cet avion constituera le standard de référence pour être capable de participer aux scénarios d’engagement les plus exigeants. Il nous revient, aujourd’hui, de décider si nous souhaitons continuer à prendre part, demain, aux engagements de ce type. ».En clair, l’armée de l’Air devrait songer, sans tarder, à se doter d’un avion de combat répondant aux mêmes standard que le F-35 du constructeur américain Lockheed-Martin… Car, a dit le CEMAA, « un pays qui n’est pas au niveau technologique est déclassé. »« Il l’est vis-à-vis de ses partenaires car il lui est de ce fait impossible d’entrer en premier avec eux, par exemple ; il l’est aussi, évidemment, vis-à-vis de ses adversaires, face auxquels il sera forcément confronté à une situation d’infériorité donc à de grosses difficultés opérationnelles, pour parler pudiquement », a-t-il expliqué.Et, certains pays alliés de la France, comme le Royaume-Uni, ont un train d’avance. Depuis 2010, « les Britanniques ont lancé une modernisation relativement rapide et ambitieuse de leurs forces aériennes, qui les place très sensiblement en avance sur nous », a relevé le général Lanata.Le fait est : la Royal Air Force aligne 14 ravitailleurs A-330 MRTT neufs (l’armée de l’Air en attend seulement 12, dont 9 ont été commandés), de six AWACS (4 pour la France), d’une flotte de transport « composée d’une palette de moyens récents » (C130, C17, A400M) et de moyens de surveillance conséquents. En outre, elle disposera d’une « flotte de chasseurs composée uniquement d’avions de quatrième et de cinquième génération (Eurofighter et F35) » quand celle de son homologue française sera plutôt composée d’appareil de génération antérieure (Mirage 2000 et Rafale).Même l’Australie a pris de l’avance, « avec à peu près les mêmes types d’équipements : moyens de ravitaillement, de surveillance et de guerre électronique de dernière génération ; acquisition du F-35 etc », a fait valoir le CEMAA.« Que l’on soit surclassé par les États-Unis n’est pas surprenant; que l’on commence à l’être par des partenaires équivalents est une autre affaire », a-t-il souligné.Par ailleurs, le général Lanata a indiqué que les forces [aériennes] russes font l’objet d’une attention particulière, « non seulement parce qu’elles disposent d’équipements performants mais aussi parce qu’elles les cèdent ensuite à des pays tiers, situés notamment dans des régions d’intérêt pour nos forces. » Et elles aussi, comme leurs homologues chinoises, se dotent (ou entendent le faire) d’avions de 5e génération (Sukhoï T-50 pour les Russes, J-20 et J-31 pour les Chinois).Ce déclassement, qui viendra si aucun investissement n’est rapidement fait pour y remédier, aura des conséquences sur la crédibilité de la dissuasion nucléaire, dont l’armée de l’Air assume la composante aéroportée (avec la FANu, du côté de la Marine nationale).Général Lanata : « L’armée de l’Air fait face à des fragilités qui affectent l’ensemble de son système de combat »L’armée de l’Air est à l’os. Tel est le message qu’a fait passer son chef d’état-major, le général André Lanata (CEMAA), aux députés de la commission de la Défense, en leur rappelant que leur rôle « dépasse celui de la reconnaissance » puisqu’il leur « appartient aussi de décider du maintien à niveau des capacités […] en donnant notamment aux aviateurs les moyens indispensables à la réussite des missions qui leur sont confiées. »Et il a été beaucoup question des moyens lors de l’audition du CEMAA par les députés. Ainsi, contrainte budgétaire oblige, au cours des 10 dernières années, l’armée de l’Air a perdu 18.400 postes, fermé 17 bases aériennes, dont celle, emblématique, de Dijon, et divisé par deux le nombre de ses commandements ainsi que le format de l’aviation de chasse.Pour maintenir ses capacités, l’armée de l’Air a dû se transformer radicalement tout en continuant à honorer des engagements sans cesse plus importants. Ce qui fait que son contrat opérationnel, tel qu’il avait été défini par les Livres blancs sur la Défense de 2008 et de 2013, est aujourd’hui largement dépassé alors que, rappelons-le, ses moyens ont été drastiquement réduits et que les opérations tendent à se « durcir ».Pour « faire face » (*), l’armée de l’Air ne cesse donc de se réorganiser et de se transformer, en adaptant sons système de commandement et de contrôle, en revoyant la formation de ses équipages [programme FOMEDEC pour « formation modernisée et d’entraînement différencié des équipages de chasse », ndlr], en optimisant sa logistique, en favorisant l’innovation [avec l’Air Warfare Center de Mont-de-Marsan, ndlr], en lançant le projet de Smart Base, en développant ses partenariats internationaux, scientifiques et industriels ou encore en cherchant à adapter en permanence le maintien en condition opérationnelle (MCO) de ses aéronefs afin pallier aux conséquences du rythme opérationnel intense auquel ils sont soumis.Seulement, et ce n’est propre à l’armée de l’Air (l’armée de Terre et la Marine nationale connaissent une situation identique), il arrive un moment où il devient très compliqué d’aller plus loin, surtout quand une Loi de programmation militaire est taillée « au plus juste ».« Aujourd’hui, ces efforts ne suffisent plus – je vous le dis car j’en ai fait le constat », a lancé le général Lanata à l’adresse des députés. « En dépit de considérables efforts d’adaptation, l’armée de l’air fait face à des fragilités qui affectent l’ensemble de son système de combat : déficit en personnels, lacunes capacitaires, vieillissement des parcs d’aéronefs, faiblesse des stocks de rechanges ou de munitions, équipements de mission en nombre insuffisant », a-t-il expliqué.D’autant plus qu’il faut « durer ». « La situation actuelle est claire : nous sommes engagés sur trois théâtres d’opérations extérieures alors que les contrats opérationnels n’en prévoient qu’un, engagés à partir de 3 bases aériennes projetées au lieu d’une, avec 20 avions de combat au lieu de 12 », a rappelé le général Lanata. Et le tout avec une « intensité d’engagement trois à quatre fois supérieure à la norme d’activité annuelle pour les avions de chasse. »Et cela n’est pas sans conséquences sur équipements, bien sûr, mais aussi et surtout sur « la condition des personnels et le moral. » Et le général Lanata de résumer : « En un mot, nous grignotons progressivement nos capacités opérationnelles, et le dispositif s’use. Cela ne se voit pas immédiatement, mais je n’ai aucun doute sur les conséquences à court terme du phénomène que je vous décris. »« Voilà pourquoi la charge opérationnelle actuelle nécessite d’augmenter les moyens », a continué le CEMAA. D’abord pour « réduire les lacunes capacitaires, qui freinent nos opérations, et redonner […] une ‘épaisseur’ suffisante à notre dispositif pour être capables de durer ». Ensuite, pour « ajuster nos formats à la réalité des engagements constatés ou décidés », en fonction des choix qui seront faits.(*) Devise du capitaine Georges Guynemer
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