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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 16:34

 

 

L’eau de Guelma était une denrée rare ou surabondante. Elle en faisait trop ou pas assez. Elle desséchait la terre des jardins ou débordait de la Seybouse. Elle gargouillait dans les canalisations en plomb ou crachait, furieuse, des robinets quand cessait la coupure d’eau journalière… Elle se faisait prier et suscitait des processions et quand elle arrivait, c’était le déluge, la grêle ou les crues qui emportaient les guitounes des mesquines…

 

Toutes les maisons ne possédaient pas de salle de bain. Dans beaucoup de familles, les enfants se débarbouillaient, le matin, au robinet de la cuisine. Ce robinet était d’ailleurs le seul de notre appartement de la rue Saint Louis. Nous faisions la chaine, munis d’un gant et d’un morceau de savon de Marseille pour nous rafraichir sommairement le bout du nez avant de partir à l’école où certaines maitresses passaient l’inspection de nos oreilles et nous humiliaient publiquement si elles découvraient quelques traces de cérumen ! Le reste devait attendre la grande toilette du samedi soir. En effet, le samedi soir, après l’école… (Car nous allions à l’école le samedi), ma mère faisait chauffer une grande bassine d’eau sur le feu de charbon du potager, et procédait à notre toilette dans la même eau en commençant par l les moins sales des enfants. Faut-il préciser que la dernière eau manquait singulièrement de limpidité…La séance aurait pu être récréative et agréable sans un gant de crin qui seul pouvait arriver à bout de notre crasse hebdomadaire.

 

Lorsque nous y passions nos grandes vacances, la ferme Zimba ne nous offrait même pas le confort de l’eau au robinet de la cuisine. La seule eau disponible était celle du puits à 200 mètres. Nos ablutions étaient plus que sommaires et ne masquaient très sommairement et très provisoirement les traces de boue et de poussière que nous avions récoltées dans nos aventures champêtres.

Je sais que, certaines fermes étaient équipées de grands bassins d’eau, servant de réserves pour l’arrosage mais aussi de piscines l’été pour les enfants, toutes races confondues…

Mon oncle Dominique, à Bled Gaffar, en possédait une pour son grand jardin. Elle servait d’aquarium pour une multitude de poissons de rivière. Je n’ai pas le souvenir que nous nous y soyons baignés.

 

Pourtant les bains publics ne manquaient pas à Guelma. Il y avait les bains douches municipaux, au début de la rue Jugurtha, longtemps tenus par la si gentille Madame Payan, . Ces bains disposaient de plusieurs salles avec lavabos et baignoires ce qui constituait un luxe pour les habitués des lieux.

Je présume, sans en être certain, que dans le quartier arabe près du Bab el Souk des bains maures recevaient aussi une clientèle musulmane.

La Seybouse qui n’était réduite qu’à un mince filet d’eau, l’été, servait de piscine au printemps et ses eaux boueuses ne rebutaient pas les petits arabes qui s’en donnaient à cœur joie…

 

Mais, hors de Guelma, les bains ne manquaient pas.

Le premier et le plus célèbre sans doute était la Fontaine Chaude entre Héliopolis et Gala-bou-Sba.

Cette ancienne piscine romaine que les arabes nommaient curieusement Hammam Berda ou bain froid, était ronde et pavée de grandes dalles de pierre avec, en son centre, un ilot planté de lauriers roses. La Fontaine Chaude devait se mériter par un pédalage laborieux de 8 kilomètres. Dans la descente de la ville au pont de la Seybouse, les choses allaient de soi et les cyclistes pouvaient s’offrir à bon compte une vitesse bien éphémère. Le plus pénible commençait à l’embranchement de Kellermann. La côte devenait raide et les vélos de l’époque étaient si lourds que beaucoup devaient mettre pied à terre ou s’accrochaient à une charrette ou une calèche qui passait par là.

Mais en passant au village d’Héliopolis la route s’adoucissait et devant la minoterie Lavie, l’ombre des grands arbres annonçaient la fraicheur du bain tout proche.

L’eau de la Fontaine Chaude a été captée pour les jardins ou l’alimentation de la ville … Les photos récentes donnent désormais un triste spectacle de ce lieu merveilleux.

Sur la route de Constantine, Hammam Meskoutine se devinait de loin aux odeurs de soufre qui émanaient de ses sources. L’Hôtel accueillait surtout des curistes venus de tout le département. Les Guelmois y venaient pique-niquer pour fêter la « Saint-Couffin » à l’occasion du Lundi de Pâques ou des fêtes juives. Ils faisaient cuire les œufs dans les rigoles bouillantes qui sortaient des sources thermales.

Quelques sources d’eau chaude avaient été « privatisées » parmi lesquelles le Hammam Ouled Ali sur le route de Philippeville. Quelques Guelmois dont mon père et mes oncles y avaient fait construire un petit bâtiment où nous allions nous baigner dans une eau très chaude. Au cours des opérations militaires des dernières années, un avion bombarda notre Hammam… Les sources d’eau chaude coulent sans doute toujours mais je doute que le bain ait été reconstruit !

 

Et puis…. Il y avait les belles plages de Bône !

« Descendre » à Bône était toujours un événement pour un Guelmois ! Il n’y avait que 64 kilomètres mais Bône était un autre monde, la grande ville, avec ses magasins, son cours, ses bônois, leur tchatche et leurs histoires et ses plages !

La Grenouillère était la plus proche de la ville mais comme son nom l’indiquait elle était petite, sans charme et ne convenait qu’aux grenouilles.

Mais en partant vers l’ouest, on découvrait la plage au nom plein de poésie du « Lever de l’Aurore » !

Les Guelmois s’y baignaient, bien sûr mais allaient davantage au « Lever de l’Aurore » pour « se lever une aurore » de faim, dans les restaurants du « Petit Mousse » ou « Chez Buttigiège » qui n’avait pas son pareil pour préparer le mérou.

Plus loin, la grande plage de Saint Cloud se couvrait de parasols sous lesquels s’abritaient les « gouffas » ou couffins tressés de feuilles de palmiers et dans lesquels s’entassaient les victuailles, les gargoulettes et les serviettes de plage… Quelques marchands ambulants se tenaient sur le bord de la route pour vendre des « oublies », des créponnés, des beignets. C’est sur cette plage qu’au retour de mon service militaire, j’ai dégusté ma première « brick à l’œuf et au thon » .

Le soir, les voitures ramenaient leur chargement de Guelmois rougis par les coups de soleil et fatigués par des bains interminables mais heureux et somnolents pendant que les moteurs chauffaient en montant les pentes vers le col du Fedjouj…

C’était il y a très longtemps dans un ailleurs disparu.

GB

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J'ai plus envie de me croire à Kaboul dans ma ville,

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