La manifestation contre le mariage pour tous a rassemblé des dizaines de milliers de personnes. Que vous inspire cette mobilisation ?
Cette forte mobilisation, avec de gens qui n'ont pas forcément une culture de la manifestation, m'impressionne. Quelques facteurs pouvaient pourtant être en défaveur : une météo peu clémente, une situation internationale tendue, et le fait que les Français ont beaucoup d'autres soucis, le chômage notamment. Je suis impressionné par le nombre de jeunes présents, alors que l'on a souvent une vision âgée, ringarde de ce type d'opposition. J'ai aussi constaté une diversité plus grande que ne le disent certains au niveau des appartenances confessionnelles ou politiques.

L'Eglise catholique n'a pas appelé à la manifestation, mais elle l'a soutenue et beaucoup de ses dirigeants ont pris des positions tranchées contre le projet du gouvernement. Est-elle dans son rôle ?
Oui, elle est dans son rôle. La laïcité de la loi de 1905, c'est la neutralité de l'Etat mais c'est aussi l'expression libre de toutes les confessions. Je dis même que si elles ne pouvaient pas donner leur avis sur les questions humaines, les religions deviendraient des sectes, qui se coupent de la société. Moi je ne suis pas le porte-parole d'une secte, mais d'une religion qui est incarnée, qui a des engagements dans le domaine de la précarité, de la santé, etc, et qui se dit concernée à juste titre par la famille. Elle le fait aussi au nom de sa citoyenneté, car les catholiques sont également des citoyens.

Que répondez-vous au socialiste Jean-Christophe Cambadélis, qui a estimé dimanche matin que Monseigneur Jean Vingt-Trois menait "un combat douteux contre l'amour" en bataillant contre le mariage homosexuel ?

Je refuse de polémiquer sur une expression de ce type. La personne homosexuelle doit être respectée, et le combat que livre le cardinal Vingt-Trois n'est pas du tout celui-là. Ici, nous sommes sur une question sociétale autre : qu'est-ce que la famille, qu'est-ce que le mariage, est-ce oui ou non l'altérité homme-femme ? Il n'est pas à nos yeux contradictoire à la fois de lutter fermement contre l'homophobie et  en même temps de dire non à une transformation radicale du modèle familial.

Le gouvernement n'entend pas reculer et exclut d'organiser un référendum. Qu'attendez-vous aujourd'hui ?
Je ne suis pas de ceux qui disent que la rue doit décider, car c'est toujours dangereux quand elle le fait. La responsabilité politique, c'est vraiment celle de ceux qui sont élus. Mais je dis simplement que la rue exprime une frustration très grande aujourd'hui, et que quand on est responsable politique, on ne peut pas gouverner sans entendre ce qu'elle dit, sous une forme ou sous une autre.