Il faisait plaisir à voir, Arnaud, le slip en vrac sur les chevilles, le pot de vaseline à la main, nous expliquant tout sourire qu'il venait de remporter une grande victoire patriotique en laissant l'américaine General Electric reprendre l'activité énergie qui représente 70 % du chiffre d'affaires d'Alstom.
Depuis des semaines il nous bassinait avec l'allemande Siemens. Alstom plus Siemens allait permettre de construire un grand consortium européen de l'énergie dont Alstom serait l'âme, et même international, puisque le Japonais Mitsubishi y mettait lui aussi un pied. Quel ministre de l'économie on avait là, on ne fait pas mieux ! De surcroît il nous laissait entendre que le premier ministre Valls était hostile à ce projet mais il ne ferait qu'une bouchée du petit bonhomme, car plus patriote que lui, Arnaud, y a pas.
Et puis vendredi soir, il annonce tout faraud qu'il a gagné son bras de fer avec la finance internationale, qu'on a vu ce qu'on devait voir, l'accord voulu avec General Electric est signé. De plus, l'Etat entre à hauteur de 20% dans le capital d'Alstom pour y exercer "une vigilance patriotique" (hou ! hou ! hou !) et même que ça ne va rien coûter aux contribuables (hi ! hi ! hi!) puisqu'il a revendu quelques actions que l'État détenait dans diverses sociétés pour racheter les parts de Bouygues, croix de bois, croix de fer, si j'mens j'vais en enfer ! Cerise sur le gâteau, il a imposé à Alstom de créer 1 000 emplois dans le meilleur délai, ça ralentira un peu la montée du chômage dans les prochains mois. Et tout ça dans la plus parfaite collaboration et le soutien amical du premier ministre (ho ! ho ! ho!).
Alors là, si ce grand moulin à vent d'Arnaud ne prend pas les Français pour des c…, je suis prêt à manger mes claquettes ("tongs" en japonais).
Mais cela me donne au moins un motif de satisfaction, car on a là un parfait exemple de la stupidité profonde de l'économie nationalisée sous surveillance étatique que défendent les gauchistes, les extrême-gauchistes, les centristes, une grande partie des umpistes et même les frontistes. Bref, quasiment tout le monde.
Car nous avons un gros problème en France : depuis plus d'un siècle, nous n'avons jamais tenté une politique économique libérale, seulement des politiques social-marxistes ou sociales démocrates, un peu sociale-libérale quand même de 1945 à 1975 (les 30 glorieuses) mais si peu, sur laquelle l'Etat s'est toujours efforcé de garder la main. Le seul politicien revendiquant son libéralisme a été Alain Madelin, qui a fini par se retirer dans son fief de Redon, lassé de se battre contre l'ineptie de l'économie socialisée et l'exception française dont on voit le résultat aujourd'hui : 3,3 millions de chômeurs de catégorie A, 6 millions toutes catégories confondues, la crise qui s'éternise, une économie, les entreprises et le peuple exsangues.
Il y a pourtant des pays où les gens sont visiblement heureux de vivre (exception faite de quelques gauchistes aigris, engeance qui sévit partout), paient des impôts qu'ils acceptent sans rechigner parce qu'ils ne sont ni excessifs, ni confiscatoires, où les entreprises travaillent en toute liberté, exportent, paient bien leurs salariés et leurs impôts sans que cela les prenne à la gorge.
Je pourrais vous citer le Canada où j'ai travaillé jeune, l'Australie que je connais bien, la Norvège aussi et bien sûr la Suisse, notre si proche voisine que notre gauche déteste tant (surtout Montebourg, mais excepté tous les artistes et sportifs socialos qui y ont élu leur domicile fiscal).
La Suisse affiche une réussite économique et sociale insolente qui met en relief notre propre misère et notre incapacité à gérer notre pays.
Etonnement général quand en mai dernier les Suisses ont refusé par référendum (car contrairement à la France, la Suisse est un pays démocratique) le SMIC à 3 240 €. Et notre presse si cachotière s'est bien gardé de vous dire pourquoi, se limitant à stigmatiser "l'égoïsme suisse" alors que la Suisse accueille proportionnellement plus d'étrangers que nous et réussit à les intégrer en leur donnant du travail bien payé.
La raison, la voilà : l'enseignement de l'économie est une réalité dans les écoles suisses, contrairement à ce qu'il est en France où l'on met en avant les luttes sociales, l'esclavagisme dans les entreprises, l'horreur du capitalisme et du libéralisme, la beauté des grèves. Aussi, les Suisses savent que le SMIC généralisé est une cause de montée du chômage et de faillite des entreprises. Pourtant il y a "des" SMIC en Suisse dans certains secteurs, mais pas de SMIC imposable à toutes les activités.
De plus, c'est le point essentiel, les salaires y sont tellement élevés qu'il n'y a pas besoin de SMIC. Un seul exemple : les plus petits salaires dans les magasins discount Lidl sont à 3 300 €, en France chez les mêmes, ils sont à 1 400 € et parfois, sinon souvent, sur des temps de travail à 80 % voire moins.
Le salaire moyen suisse est de 6 210 FS, soit 5 092 € et le salaire moyen des cadres est de 11 830 FS, soit 9 700 € (chiffres 1er trimestre 2014). Est-ce que ça empêche les Suisses d'exporter des produits industriels ?
Pas du tout, parce que les entreprises suisses vivant dans un système économique libéral ont toute liberté pour choisir les meilleurs créneaux et modifier rapidement la composition de leur personnel en effectif et en qualité pour faire face à leurs nouveaux besoins. Résultat, un chômage extrêmement bas (voisin de 3 %) qui concerne en fait les gens en cours de changement d'emploi et ceux qui arrivent sur le marché du travail et cherchent leur premier emploi. Et leurs banques n'ont aucun besoin d'aides publiques pour être prospères.
Ces pays à économie libérale n'ont pas peur de la mondialisation, ils y ont fait leur place et en vivent bien. C'est la raison pour laquelle bien des pays socialistes et communises, à commencer par la Chine, le Vietnam, Cuba maintenant, ont choisi le modèle économique libéral et s'efforcent de le faire cohabiter avec une gestion socialiste de leurs sociétés. Ils espèrent réussir dans quelques années la fusion des deux : avoir laissé prospérer un système économique libéral producteur de gros surplus qui permettront une redistribution pour le bien-être de tous, (pour le moment encore insuffisante).
Il y a d'autres cas : en Europe, le Luxembourg, ou dans l'outre-mer français, la Nouvelle-Calédonie dont le niveau de vie a dépassé celui de la Nouvelle-Zélande déjà enviable et s'approche de celui de l'Australie. Certes la croissance du PIB ne sera pas cette année de 6 % par an comme les années précédentes, mais les raisons de ce ralentissement sont essentiellement politiques et conjoncturelles. Quand un Français se rend dans ces pays-là, ces pays d'économie libérale, il a vraiment l'impression d'être un pauvre, gouverné chez lui par des crétins.
Mais revenons au bel Arnaud, ex ministre "du Dressement reproductif" comme disaient ses secrétaires, et ministre de l'Economie non pour ses compétences, mais parce qu'il représente "un courant" dont Hollande a besoin pour maintenir la cohésion du PS.
Premier point : vendredi soir, il annonçait sa victoire, mais n'avait pas l'accord de Bouygues pour obtenir la cession des 20 % d'actions. Il ne l'a toujours pas, mais Bouygues a cédé à on ne sait quelles menaces du gouvernement (le marché du Ministère de la Défense ?) et consent à "prêter" ses actions à l'Etat pour lui permettre de finaliser l'accord avec General Electric. La vente se fera ultérieurement, l'Etat se préparant "à exercer son droit" (curieuse expression dans la bouche de ce ministre) lorsque les actions de Bouygues dont le cours boursier est fluctuant seront au plus bas. Et si elles montent avec la reprise de l'activité boursière ? Bouygues récupérera ses actions ? Ou non ?
Alstom pouvait rester français ou européen, Sarkozy avait réussi à le sauver, souvenez-vous. Il passe sous pavillon américain, mais rassurez-vous, les hommes d'Arnaud vont exercer "une vigilance patriotique". Ils le croient parce qu'ils ignorent tout du fonctionnement d'un Conseil d'Administration de groupe international dominé par les Américains. Ne rêvons pas, Alstom -G.E. sera désormais gérée par les Américains, à l'américaine. Les braves fonctionnaires qui vont se retrouver administrateurs y seront aussi inefficaces que ceux qui géraient le Crédit Lyonnais qui a coûté une fortune aux contribuables français. Ils le croient encore parce qu'ils ignorent apparemment que dans la loi française un veto n'est possible qu'avec 33 % au minimum des parts et sous certaines conditions. De plus, des parts "prêtées" ne font pas un propriétaire qui joue son argent avec sa participation. Pour être clair, les autres actionnaires l'écoutent peut-être, mais se moquent bien de son avis puisqu'il n'est pas impliqué financièrement ou physiquement dans l'affaire.
De plus, c'est nous qui allons payer, car quel que soit le prix final de la vente de ses actions par Bouygues, quand l'Etat achète, c'est toujours le contribuable qui paie.
"Aujourd’hui, parce que nous avons vendu un peu de Safran (*), d’Airbus et d’Aéroports de Paris, nous disposons de 2,7 milliards d’euros en caisse. Une partie de cette somme nous a permis de financer le réinvestissement (800 millions d’euros) dans PSA, lors de l’entrée du chinois Dongfeng. Et nous sommes confortables pour intervenir dans Alstom", nous dit Arnaud qui ce disant nous révèle que l'Etat a une petite cagnotte cachée dont il n'avait dit mot.
Formidable ! Quel patriotisme ! L'État revend une partie de ses participations dans le secteur aéronautique* où la France est excellente et ce serait une bonne affaire, "patriotique" de surcroit alors que les seuls ayant les capitaux pour les racheter sont arabes, américains et chinois. Et ça pour investir dans Peugeot racheté par le chinois Dongfeng et Alstom en déconfiture repris par les Américains.
Quant aux mille emplois à créer, pas de secret, ils seront compensés par des licenciements dans les filiales d'Alstom en Europe.
Celui qui a gagné, ce n'est pas Montebourg, le croit-il lui-même s'il n'est pas complètement stupide ? C'est Valls, car ce choix industriel entre dans la politique exposée au dernier congrès de Bilderberg à Copenhague il y a un mois : "sauver" les joyaux de l'industrie européenne menacés par l'incurie des gouvernants européens (Allemagne exceptée) en les plaçant sous contrôle américain.
Par ailleurs il y en a qui se frottent les mains : Siemens et Mitsubishi qui n'auront pas à gérer un groupe où l'État socialiste français met son nez sale et incompétent, et Martin Bouygues qui, si la vente des actions qu'il détient se fait à un bon prix comme il l'espère, va engranger des millions en se désengageant d'une entreprise qui, surtout si elle est gérée par des fonctionnaires, va à l'échec et ne survivra plus que subventionnée, comme tant d'autres dans la même situation.
Maurice D.
*Groupe Safran = Snecma, Turbomeca, Héraklès, etc. moteurs et turbines pour hélicoptères et avions, propulseurs pour fusées, drones, missiles, etc.
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