Il ne faut jamais oublier que Mohamed Merah a, malheureusement, des "supporters" en France. Par ailleurs, ces commémorations à répétition, tristes premiers anniversaires des crimes odieux de Toulouse, m'inspirent un malaise certain. Bien sûr, je trouve légitime et même nécessaire que le ministre de la Défense ait salué cette semaine le courage de ces soldats engagés sur des théâtres extérieurs de la France et que Merah a abattus comme des chiens car ils étaient Français et Arabes… Bien sûr, François Hollande est dans son rôle aujourd'hui à Toulouse en honorant les familles des victimes juives, arabes et avant tout françaises.
Mais attention, ces gestes n'effacent pas les fautes graves d'une société qui pratique la politique de l'autruche depuis des décennies. Ce serait trop facile ! On s'offusque lorsque le ministre de l'Intérieur explique qu'il y a des dizaines de Merah en France. Il a bien évidemment raison. On fustige la DCRI comme si elle avait fabriqué le terroriste, comme si la police était seule responsable. On règle des comptes politiques. Si les services ont fauté, ils doivent être mis en cause. Mais c'est notre société qui a fabriqué Merah, il ne faut pas l'oublier. Quelques séances de contritions collectives ne résoudront rien. J'entends que de-ci de-là on continue à trouver des explications sociales aux actes de Mohamed Merah. Il vivait dans un univers fruste, de violence, les pauvres et les Arabes auraient des excuses à l'inhumanité… Mon père de 80 ans est analphabète, cela ne m'a pas empêchée de m'intégrer dans cette société. La France doit définitivement se débarrasser de son complexe postcolonial si elle veut en finir avec les Merah.
Nous attendons mardi prochain la réponse de la Cour de cassation dans l'affaire de la crèche Baby Loup, à Chanteloup-les-Vignes, dans l'indifférence quasi générale. La directrice de cet établissement exemplaire se bat car elle refuse que ses salariées de confession musulmane portent un voile pendant leur travail. Depuis trois ans, elle vit la peur au ventre en rentrant chez elle, n'emprunte jamais les mêmes itinéraires de peur de se faire agresser. Des mamans en burqa viennent la narguer en lui déposant leur enfant. Des écoles coraniques s'ouvrent dans nos quartiers sans problème. Près de 30 % des Tunisiens de France qui ont voté dans les consulats français pour les premières élections du printemps arabe ont choisi Ennahda… Or, faut-il le rappeler, ce parti islamiste a exigé l'abrogation de l'égalité hommes-femmes en Tunisie, instaurée par le Code du statut personnel en 1956.
J'attends avec impatience de voir des musulmans français descendre
dans les rues pour manifester contre les crimes d'honneur, les viols dans
les Émirats arabes, l'attaque contre la petite Malala au Pakistan…
Bien sûr, il y a l'attitude de la mère du soldat Imad Ibn Ziaten, assassiné par Merah, qui avec son voile et sa foi musulmane se bat contre les intégrismes, va faire la leçon aux jeunes dans les cités. Mais je la trouve bien seule sur la photographie des commémorations.
* Auteure de Ma République se meurt, Grasset, 224 p., 18 euros.