Qui l’eût cru : une fronde des chefs d’entreprise ! Pas les aristocrates du CAC 40, pourtant accablés de tous les maux et cloués au pilori chaque matin. Non, la piétaille, les sans-grade du « patronat », des centaines d’entrepreneurs anonymes, qui refusent de devenir les « pigeons » de la République, ceux que l’on plume pour combler les déficits. À l’origine de leur colère, il y a ce nouveau mantra budgétaire, selon lequel, au nom de l’équité, le capital doit être imposé comme le travail. Tout a été dit sur cette ineptie, qui revient à appliquer une taxation massive, parfois confiscatoire (plus de 60 %), aux entrepreneurs qui vendent leur société. Et qui permet à l’État de se servir sans vergogne à tous les étages - cotisations sociales, impôt sur le revenu, sur les sociétés, dividendes - avant de capter l’essentiel de la plus-value. Autant que par ses excès, cette politique fiscale punitive dérange profondément par l’état d’esprit qu’elle traduit. En France, il est toléré de créer une entreprise, de passer des nuits blanches sur un projet, de négocier sans fin des crédits bancaires, de sacrifier sa vie de famille. Mais pas de s’enrichir. La prise de risque, oui, la fortune, non. Au pays de l’égalitarisme roi, il n’est pas sûr que la mobilisation des Pigeons émeuve beaucoup les foules. À tort. Car cette affaire de taxation du capital illustre jusqu’à la caricature une politique économique absurde, qui entrave la France qui innove, qui crée, qui investit. En un mot, qui prépare l’avenir. Au lieu de s’interroger gravement sur l’opportunité - évidente - d’augmenter la TVA pour trouver de nouvelles ressources, mieux vaudrait stimuler les entrepreneurs et non les décourager. Eux et eux seuls créeront de la croissance, des emplois et du pouvoir d’achat. À défaut de comprendre, enfin, que leur réussite et leur richesse sont aussi celles de la France, ils iront s’épanouir ailleurs. Et nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer.