Bd Voltaire
Le 17 octobre 2013
Presque chaque jour que Dieu fait, un paysan se donne la mort. Il se pend dans sa grange ou se tire un coup de fusil en pleine tête. Acculé à la ruine, étranglé par les banques, également en proie à la détresse sexuelle, au désert sentimental – quelle fille sensée pour épouser un crève-la-faim ? –, le paysan français paupérisé, de plus en plus déclassé, maintenant se suicide ; c’est la profession la plus touchée par ce fléau, loin devant les professeurs et les policiers. Mais il le fait discrètement, sans faire de bruit. Comme s’il dérangeait.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’il est désormais la proie privilégiée des bandits de grand chemin. On lui siphonne ses tracteurs. Quand on ne les lui vole pas. On lui pique ses récoltes. On lui égorge ses bêtes. On lui vole son matériel. On lui dit aussi qu’il serait malvenu qu’il en vienne à se défendre.
Le phénomène est devenu si massif que même Le Figaro s’en rend compte ; c’est dire… Paroles de victimes : « Nous sommes face à une banalisation de ces vols, qui restent impunis. Dans le meilleur des cas, quand les voleurs sont arrêtés, ils sont relâchés le lendemain avec des risques de représailles, notamment de la communauté des gens du voyage. De plus en plus d’agriculteurs exaspérés parlent de se faire justice eux-mêmes. On n’entendait pas cela avant. »
Il est un fait que les chiffres sont éloquents : plus de 7.800 vols recensés par les gendarmes depuis le début de l’année. Et de braves gens qui, trimant dur, n’en peuvent plus. Alors, bien sûr, les képis tentent de multiplier les rondes de nuit, d’appeler les uns et les autres à se mobiliser sur Internet par SMS interposés. Mais, comment dire, ce bidule bidouillé à la va-vite a tout du sparadrap sur une jambe de bois. Entre un voyage aux Antilles et un raout marseillais, Manuel Valls devrait bientôt s’en aller visiter quelques fermes, emprunter ainsi les traces de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy et son fameux Sarko-show itinérant.
En attendant, nos paysans disparaissent peu à peu du paysage. Hormis la FNSEA, ils ne pèsent rien en termes de lobbying politique. N’ont que peu de réseaux médiatiques. Et leur poids électoral n’est plus que peau de chagrin.
Rien d’étonnant alors, à ce que Le Figaro de ce mercredi 16 octobre pointe du doigt le rejet du monde rural vis-à-vis du pouvoir en place. François Hollande hué en pleine visite officielle, aux cris de « Démission ! » ou de « Le Pen ! ». En effet, nous y voilà… Des résultats frontistes qui, d’élection en élection, de partielle en partielle, doublent ou triplent. Pas forcément par engouement lepéniste, mais parce que, pour ceux qui se sentent dépossédés de tout, il faut bien se raccrocher à quelque chose…
Et puis, on oublie trop souvent ceci : ces gueux que l’on méprise sont aussi ceux qui nous nourrissent. Ceux qu’on implorait jadis, du temps de l’Occupation, quand une bourgeoise de la haute aurait bazardé ce qui lui restait de vertu contre six œufs et un saucisson.
D’ici là, faute de voir les pouvoirs publics venir à la rescousse de cette noble profession, il ne faudra pas non plus s’étonner que certains de ces gens de peu, mais gens de bien, nous la jouent façon Jean Gabin dans La Horse. Le fusil est un bon argument et l’avantage des cochons, c’est que cela bouffe de tout. Jusqu’au dernier os.