L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, déjà auditionné le 26 juin dernier, va être à nouveau convoqué la semaine prochaine par la commission d'enquête parlementaire sur l'action du gouvernement dans l'affaire de son compte bancaire caché en Suisse. Cette audition était réclamée par plusieurs députés, dont Georges Fenech. La commission d'enquête parlementaire a en revanche rejeté les demandes d'audition d'Eric Woerth, de Jean-Marc Ayrault et de Patricia Cahuzac, l'épouse de l'ancien ministre.
Mardi, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a été entendu par cette commission et a confirmé la tenue d'une réunion, le 16 janvier, entre François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Jérôme Cahuzac et lui-même après le conseil des ministres. Au cours de cette entrevue, ils auraient alors abordé la question de la demande d'entraide administrative avec la Suisse. Les députés de la commission d'enquête parlementaire veulent déterminer les raisons de la présence de Jérôme Cahuzac durant cette réunion.
Par ailleurs, le président UDI de cette commission, Charles de Courson, a affirmé mercredi matin que la commission détenait "les preuves que le président a été parfaitement informé". Selon lui, "entre le 4 et le 18 décembre, l'ensemble des informations lui permettant de se rendre compte que des preuves graves, selon lesquelles Jérôme Cahuzac détenait un compte en Suisse, existent". "Aucun élément en possession de la commission ne peut justifier une telle affirmation", a lui toutefois rétorqué le rapporteur PS Alain Claeys.
Affaire Cahuzac : François Hollande était "parfaitement informé"
Charles de Courson, président UDI de la commission d'enquête parlementaire sur la gestion par le gouvernement de l'affaire Cahuzac, le pense. Il a affirmé mercredi détenir "les preuves" que le président était "parfaitement informé" du comportement fiscal du ministre. "Nous avons les preuves que le président a été parfaitement informé", a déclaré le député centriste de la Marne sur France 2.
Selon lui, l'ex-maire RPR de Villeneuve-sur-Lot, Michel Gonelle, qui détenait l'enregistrement dans lequel on entend Jérôme Cahuzac parler de son compte en Suisse, "a informé le directeur adjoint du cabinet du président (Alain Zabulon, ndlr) le 15 décembre, qui est immédiatement allé voir le secrétaire général de l'Elysée (Pierre-René Lemas), et tous les deux, ils sont allés voir le président dans son bureau". "Donc, il (François Hollande, ndlr) le sait le 15" décembre, a souligné le président de la commission Cahuzac. "Le 18, Edwy Plenel informe l'Elysée qu'ils ont toutes les preuves", a-t-il ajouté, rappelant que le journaliste, directeur du site d'informations Médiapart, "est un ami personnel du président, ils ont même écrit un bouquin ensemble".
De fait, a-t-il encore précisé, "je dis que le président, entre le 4 et le 18 décembre, a l'ensemble des informations lui permettant de se rendre compte que des preuves graves, selon lesquelles Jérôme Cahuzac détenait un compte en Suisse, existent". Pourquoi François Hollande n'a-t-il pas alors remercié M. Cahuzac, qui n'a été contraint à la démission que le 19 mars ? "Certains prétendent qu'il a été tenté de faire cela mais nous ne pouvons pas auditionner le président de la République, en application du principe de séparation des pouvoirs", a-t-il indiqué, n'excluant pas cependant une audition du Premier ministre. De l'avis du député et "en l'état actuel" des travaux de la commission, "on peut dire que la réponse qu' (ont) faite le Premier ministre et le président et Pierre Moscovici à cette affaire n'était pas adaptée", a-t-il poursuivi au lendemain de l'audition de trois ministres, dont celui de l'Economie et des Finances.
Revenant sur l'audition de M. Moscovici, qui a contribué à fragiliser la réalité de la "muraille de Chine" érigée autour de Jérôme Cahuzac par son ministre de tutelle, M. de Courson a jugé qu'elle avait été "la plus intéressante". "Il nous a dit (...) qu'il y a bien eu une réunion le 16 janvier à l'Elysée suite à un Conseil des ministres, entre quatre personnes; le président de la République, le Premier ministre, lui-même Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac", a-t-il relaté, qualifiant d'"incroyable" la présence du ministre incriminé.
Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris, a réagi mercredi à ces déclarations en estimant sur son blog que Charles de Courson, "mécontent de n'avoir pu coincer les ministres', "se venge" sur Hollande. Pour le socialiste, le député UDI "vient de commettre une triple faute" : "il tire des conclusions avant que la dite commission ait conclu ses travaux", il base "son raisonnement sur la méthode de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours", et enfin il accuse Hollande "de forfaiture sans preuves réelles et hors du cadre juridique qui régit son mandat".