Les magistrats tordent d’abord le coup à la thèse, développée ces derniers jours par Bercy, de « l’ardoise cachée » laissée par le précédent gouvernement. Certes, les dépenses de l’État devraient dépasser de 1,2 à 2 milliards les prévisions en 2012, du fait par exemple du surcoût des aides au logement. « Mais un tel niveau de risque ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d’année lors des exercices précédents » , reconnaît Didier Migaud. La Cour avertit même l’équipe Ayrault : il faudra qu’elle finance, comme elle s’y est engagée, les nouvelles dépenses (du type hausse du smic alourdissant la masse salariale de l’État) par des économies ailleurs. Par précaution, les magistrats demandent de geler un milliard de dépenses en 2012, ce que Bercy s’apprête à faire.
Si la Cour critique le gouvernement précédent, c’est surtout pour son excès d’optimisme en matière de recettes fiscales. 6 à 10 milliards de recettes manqueront à l’appel cette année (dont jusqu’à 3,5 milliards pour l’impôt sur les sociétés), notamment parce que la croissance sera de 0,4 %, au lieu du 0,5 % prévu par l’équipe Fillon. Là aussi, le gouvernement va agir. Tablant sur une hausse du PIB de 0,4 %, il devrait relever les impôts de plus de 7 milliards dans le cadre du projet de budget rectificatif 2012, qui sera présenté demain mercredi. « Les contribuables les plus aisés et les plus grandes entreprises participeront ainsi davantage à l’effort collectif. Les classes populaires et les classes moyennes seront préservées » , martèle Matignon. De fait, entre hausse de l’ISF et nouvelles taxes des entreprises, le programme est clairement marqué à gauche. Il fait surtout la part belle aux impôts (7 à 8 milliards) au détriment d’économies dans les dépenses (1 milliard).
Problème : la Cour des comptes préconise un remède inverse pour rétablir les comptes. Elle prône de relever des impôts « à assiette large » - comprendre payés par le plus grand nombre - comme la TVA et la CSG. Et elle demande de faire porter la moitié de l’effort de redressement sur les dépenses. « Les exemples étrangers le montrent, pour un redressement durable des comptes, il faut d’abord agir sur les dépenses » , souligne Didier Migaud.
Agir sur les effectifs et les rémunérations
L’équation s’annonce compliquée. La Cour estime tout d’abord que le gouvernement devra trouver 33 milliards pour ramener le déficit public à 3 % en 2013, dans un contexte de croissance plus faible que prévu (1 % selon la Cour, au lieu des 1,75 % estimé jusqu’à présent). Suivant sa logique, elle préconise donc d’économiser 16,5 milliards (la moitié de 33 milliards) sur les dépenses publiques. Cela revient à les stabiliser en volume ou, dit autrement, à interdire qu’elles ne progressent plus vite que l’inflation. Or le programme présidentiel de François Hollande tablait sur une hausse de 1,1 % en volume de ces dépenses…
Autant dire que la Cour préconise un véritable remède de cheval pour y parvenir. Le détail des solutions proposées pour maîtriser enfin la dépense publique suffit à s’en convaincre. Les magistrats de la rue Cambon recommandent, entre autres, d’agir sur les effectifs et les rémunérations des fonctionnaires et de faire varier les fonds accordés aux collectivités locales en fonction de leur bonne gestion (le rapport pointant les dérives des effectifs dans les communes). Elle préconise aussi de s’attaquer aux dépenses sociales, constituées des différentes allocations françaises. « Il faut évaluer ces dépenses. Viset-on les bons publics ? Il faut choisir ses priorités » , estime Didier Migaud. Un chantier auquel jamais aucun gouvernement n’a osé s’attaquer…