lafautearousseau
lundi, 18 mars 2013
Nouveau coup de chaleur à gauche à propos de la Syrie où deux ans de « conflit » auraient fait soixante-dix mille morts et un million de déplacés et/ou réfugiés. M. Hollande ne se contente plus de la reconnaissance du contre-gouvernement formé par l'opposition et de l'échange d'ambassadeurs, il veut désormais – de concert avec M. Cameron – que soit levé l'embargo européen sur les armes à destination de la Syrie, quitte à passer outre à l'absence de consensus.
Les explications de MM. Hollande et Fabius sur le fond sont peu convaincantes. « La pression militaire fera ressurgir une solution politique » affirme gratuitement le président – plus pragmatique, Mme Merkel dénonce le risque de dissémination d'armes imprudemment livrées. « Il faut éviter tout ce qui pourrait entraîner une déflagration générale », lance de façon quelque peu incohérente le ministre – plus sagement le chancelier autrichien dit craindre une surenchère de la Russie et de l'Iran. Par ailleurs, certaines questions embarrassantes sur les « rebelles » ne sont pas posées. Ainsi, qui peut croire que « Bachar » - comme aime à le nommer M. Fabius, inutilement méprisant – fait depuis deux ans tirer sur un peuple unanimement dressé contre lui ? Comment penser que la puissante armée syrienne éprouverait tant de difficultés face à de simples gavroches ? Pourquoi nier qu'il s'agit non seulement d'une guerre civile mais plus sûrement d'une insurrection fomentée et armée par l'étranger sunnite (Qatar et Arabie Saoudite notamment) ? Pourquoi, tout simplement, ne pas y voir un nouvel épisode de la lutte entre le pouvoir alaouite des Assad et l'extrémisme sunnite (qu'on se rappelle l'écrasement militaire de la révolte des fondamentalistes sunnites, menée par les Frères musulmans, à Hama en 1982, avec plusieurs dizaines de milliers de morts) ?
Quant à la sous-évaluation du danger islamiste, elle laisse pantois. « Plus la guerre continue, plus il y a des risques d'extrémisme » dit l'un; « le meilleur rempart contre l'extrémisme c'est la Coalition nationale syrienne » dit l'autre. MM. Hollande et Fabius seraient-ils donc les seuls à ignorer que les extrémistes du front Al-Nosra constituent déjà l'armature de la rébellion - au point que le toujours bien informé Los Angeles Times vient de révéler que la CIA a désormais pour objectif de faire liquider par des drones les chefs islamistes radicaux de Syrie ? Seraient-ils donc les seuls à ignorer que ces islamistes attirent là-bas de plus en plus de djihadistes étrangers, clones de ceux-là mêmes que nos soldats combattent actuellement au Mali - comme le souligne M. Oussama Suleiman, surnommé « le comptable de l'hécatombe syrienne » et peu suspect de sympathie pour le régime de M. Assad ? Seraient-ils donc les seuls à ignorer que ce sont les islamistes qui ont raflé la mise des « printemps arabes » de Libye, d'Egypte et de Tunisie – malgré les aides directes et indirectes des démocraties occidentales à leurs adversaires ?
Si les risques d'une levée de l'embargo sont évidents, la France a-t-elle au moins un quelconque intérêt qui viendrait justifier la chose, comme c'est au fond le cas au Mali ? Nullement (en tout cas, il n'en est jamais question dans les propos officiels). Alors, pourquoi ? De bien mauvaises langues prétendent que l'affaire syrienne n'est qu'une échappatoire pour M. Hollande, peu à son avantage par ailleurs. Mais c'est sans doute, et plus simplement, l'idéologie qui explique la poussée de fièvre élyséenne. Il n'est que de considérer ses soutiens : l'appareil socialiste (entre autres MM. Désir et Cambadélis) qui se répand dans des médias complaisants, et dans la rue les nouveaux va-t-en-guerre d'Amnesty International, d'E.E.L.V. et du N.P.A. ! On prône et on défend – quoi qu'il puisse en coûter au pays – les «valeurs utopiques » de la démocratie universelle.
Il y aura forcément un vainqueur et un vaincu en Syrie. Le danger pour la France réside dans le jusqu'auboutisme de MM. Hollande et Fabius : si demain l'embargo est levé, il n'y a aucun doute qu'ils feront un pas de plus dans leur engagement, ce qui n'est pas peu inquiétant – car qu'irions-nous faire dans cette galère ?