En mettant « tout sur la table » du Conseil européen, François Hollande ne prend aucun risque. Les mesures en faveur de la croissance, dont le principe a déjà été adopté, seront entérinées, les autres feront l’objet d’un débat qui n’est pas près d’être tranché. L’heure n’est pas pour lui de régler quelque problème que ce soit, mais seulement de faire croire à Mélenchon et aux siens qu’il reste fidèle aux principes de la gauche. La stratégie du nouveau président d’ici aux législatives est transparente : maintenir un faux bras de fer avec Angela Merkel pour se poser en chantre d’une croissance qu’il serait seul à promouvoir. Les dirigeants européens ne sont pas dupes. Ils ont bien compris la manoeuvre et ne vont pas gaspiller un précieux capital politique à se ranger derrière Hollande pour faire pièce à Merkel. Ils savent que les choses sérieuses commenceront à la fin juin, au lendemain des scrutins en France et en Grèce. Comme à l’otan, le président français fera preuve de créativité lexicale. Les « eurobonds » deviendront des « project bonds », de la même façon que la notion de « troupes » à retirer d’afghanistan a été habilement ramenée à celle de « troupes combattantes ». Sur le fond, la mutualisation des dettes européennes, via les eurobonds, n’est concevable que lorsque l’europe se sera convertie au fédéralisme économique, projet qui n’est pas un anathème en Allemagne mais qui reste tabou en France, et dont on voit mal Laurent Fabius, l’homme du « non » au référendum de 2005, se faire tout à coup le champion. Quant à la croissance, elle ne se décrète pas. L’on attend de François Hollande qu’il énumère les projets concrets à financer par des fonds européens, en attendant les indispensables réformes structurelles qui permettront le « redressement productif » promis à notre pays. Mais cela ne peut venir qu’après les législatives. D’ici là, il reste à espérer que les intérêts de la France en Europe ne pâtiront pas trop de la ligne de conduite adoptée.