Entretien réalisé par Baudouin de Saxel
Frigide Barjot a des raisons de s’indigner. L’égérie du mouvement contre le mariage pour tous ne sera pas reçue au Sénat avant l’examen de la loi, début avril. Raison invoquée par le rapporteur du texte : Mme Barjot et son collectif « représentent la pire des homophobies ».
Comment avez-vous réagi après la décision de Jean-Pierre Michel, sénateur socialiste, de ne pas vous auditionner ?
J’ai été estomaquée par autant d’impudence venant d’un élu de la République. Faire preuve d’une telle arrogance lorsque l’on représente les Français et que l’on est à la tête d’une charge, c’est affligeant. Il se permet de considérer que « la Manif pour tous » n’existe pas à ses yeux, nous donne des conseils sur notre manière d’utiliser l’argent du collectif (NDLR : le sénateur a aussi estimé que les sommes dépensées pour l’organisation des événements ne l’ont pas été à bon escient) et va jusqu’à nous traiter d’homophobes ! Cette facilité à l’injure est une façon antidémocratique d’empêcher les opposants à un projet de loi de s’exprimer. En attendant, nous avons assigné Jean-Pierre Michel pour diffamation devant le tribunal correctionnel. Il faudra s’attendre à ce que la justice se prononce sur la réalité des faits et des insultes assenées sans preuve aucune.
Le texte sera étudié au Palais du Luxembourg début avril ; êtes-vous confiante ?
Nous savons que la majorité de l’opinion publique est opposée à ce changement structurel que porte le projet de loi, nous avons donc confiance dans le régime démocratique de notre pays, oui. Le texte brise les fondements qui reposent sur l’organisation de la cellule première de la société : la famille. En créant une filiation déconnectée du réel (un enfant né de deux hommes ou de deux femmes), la loi prend pied sur un mensonge et génère une structure autoritaire où règne la loi du plus fort. Ce n’est pas l’émanation de la volonté populaire. À noter que ce ne sera pas notre unique combat. Il réside dans le programme de François Hollande une succession de propositions qui seront autant de tournants irrémédiables dans la conception de la société et de la personne humaine.
On vous a vu au Parlement européen mardi dernier. Faut-il porter ces débats au niveau européen ?
L’écrasement par la loi du genre de la conception de l’être humain vient de Bruxelles et des conventions européennes. Je souhaite donc un engagement fondamental entre les pays pour inverser cette nouvelle idéologie qui tend à dénaturer l’humanité. La force viendra tant d’une union transpartisane qui dépassera les clivages obsolètes de la gauche et de la droite, que d’une union transnationale entre les pays européens. Ensemble, nous combattrons la tendance à livrer les personnes humaines au marché et à la spéculation.