Le 3 août 2013
C’est l’histoire de deux filles qui ont demandé à un bon copain de leur donner un coup de main. Vous savez ce que c’est, que des femmes seules dans une maison : besoin d’un homme fort de temps en temps pour faire le bricolage. Flavie et Magali, deux lesbiennes, ont donc demandé à leur meilleur ami, un jeune barman, de les dépanner d’un peu de sperme. Le garçon, bien aimable et toujours prêt à rendre service, s’est obligeamment exécuté. La PMA artisanale s’est très bien passée, merci pour elles ; le petit garçon a aujourd’hui deux ans et demi.
Sauf que faire un don de sperme, ce n’est pas exactement comme déménager une armoire normande ou fixer une tringle à rideau. C’est, comme on dit, un tout petit peu plus impliquant.
Voilà que l’ami barman, d’un coup, se met à gamberger. Et sept mois après la naissance, se sent battre un cœur de père. Il veut reconnaître l’enfant. Horreur et stupéfaction pour ses deux ex-meilleures amies, qui tentent de déménager ni vu ni connu pour se débarrasser de ce géniteur en CDD aussi collant qu’un vieil Urgo. « Quand vous faites un don de sang, vous ne venez pas le récupérer après ! », se plaint Magali. Quand on donne un kilo de prunes, un vieux frigo ou même un rein, non plus. Sauf qu’évidemment cela n’a rien à voir.
Le juge a tranché, les deux lesbiennes vont devoir reconnaître les droits du père, et se soumettre à visites régulières et droit de garde pendant les vacances. La faute à la biologie, une science bien peu gay-friendly, dont le champ sémantique, d’ailleurs, tout tourné autour de l’hérédité, du patrimoine génétique, de la transmission et de l’héritage a des odeurs vieille France d’étude notariale. Impossible de faire table rase des liens du sang. Chassez le naturel, il revient au galop.
Magali et Flavie sont toutes retournées, n’ont plus seulement cœur à se consacrer aux préparatifs de leur mariage prévu le 17 août. Heureusement, elles se consolent avec leur petite fille, produit d’une PMA de fortune elle aussi, mais avec un géniteur beaucoup « plus mûr, plus sûr et qui a déjà des enfants ». Comprenez : qui ne devrait pas se poser trop de questions et enquiquiner le monde.
L’affaire, en attendant, tourne au vaudeville. S’il y a des enfants abandonnés, autour du berceau de celui-là, au contraire, on se marche sur les pieds. Trois parents pour un bébé, cela fait un peu beaucoup. Le père ayant reconnu l’enfant, la compagne de Magali (mère biologique) ne pourra obtenir une adoption plénière. En l’état actuel de la loi au moins. Car, susurre l’avocate des deux filles, « il y a encore un travail à faire sur ces formes de parentalité ». Il y avait la famille monoparentale, il y aura la famille triparentale. Voire quadriparentale, avec la GPA, quand en plus de la pourvoyeuse d’ovocyte, il faudra intégrer la mère porteuse. C’est contrariant. Pour la SNCF qui, un peu fayote, avait déjà réimprimé de nouveaux formulaires troquant père et mère contre parent 1 et parent 2. Allez ouste, les stocks au pilon. Et la ligne pour le parent 3, alors ? Et pour le parent 4 ?
Cela s’appelle un bobinard géant et la législation française vient d’y sauter à pieds joints.