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Mercredi soir seront dévoilées les statistiques des inscrits à Pôle emploi fin septembre et on devrait tous en faire des tonnes. Comme le philosophait - à raison - François Fillon en 2002 après son installation rue de Grenelle, "il ne sert à rien de commenter les statistiques mensuelles car, en intégrant la marge d'erreur, une baisse peut se transformer en hausse et réciproquement. Seules comptent les tendances sur trois ou six mois." Dont acte… Concentrons-nous donc sur les tendances. Depuis le début de l'année, le cumul des hausses mensuelles donne le tournis: +162.600 chômeurs en catégorie A (sans aucune activité), +241.200 en A, B et C (inclus les chômeurs en activité réduite), +223.000 toutes catégories confondues. Soit entre 2 et 5 fois plus que sur les huit premiers mois de 2011 et 2010. Au total, près de 5,1 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi en France métropolitaine. Et on frôle les 5,4 millions si on intègre les départements d'outre-mer. Un record! François Hollande n'est bien sûr pas responsable de cette accélération du chômage même si la progression enregistrée depuis son élection en mai est vertigineuse (+122.100 en A et +176.100 en A, B et C). Ses troupes chargent l'exécutif précédent et les entreprises d'avoir différé les plans sociaux après la présidentielle. "Entre le jour où un plan social est annoncé, un plan de licenciement est annoncé, et le jour où les chômeurs sont inscrits à Pôle Emploi, il se passe des mois et des mois, explique Michel Sapin. Donc c'est quelque chose de très lent et avec des effets négatifs pendant longtemps." Un argument qui ne tient pas une seconde la route: les inscriptions à Pôle emploi après un licenciement économique ne représentent tendanciellement que 2,5% des motifs d'entrée à Pôle emploi et naviguent, chaque mois, entre 12.000 et 13.500. Mieux, les licenciés économiques bénéficient en grande majorité de contrats d'accompagnement spécifiques qui font basculer leurs bénéficiaires en catégorie D, dont les pouvoirs publics ne commentent jamais. Passons… La vraie raison tient en un seul mot: la crise, qui conduit les entreprises à détruire des emplois (-22.400 au 2e trimestre 2012 et -39.500 sur un an) et à ne pas recruter (les déclarations d'embauche ont chuté de 4,7% entre mars et juin, pour le 3e trimestre d'affilée). Et ce, alors que la population active continue d'augmenter (de 150.000 par an) à l'inverse de l'Allemagne qui perd, chaque année, 100.000 actifs. Résultat, faute de croissance, le chômage augmente inexorablement. Et il devrait continuer à le faire jusqu'à la fin 2013. Michel Sapin ne s'est d'ailleurs pas caché derrière son petit doigt dimanche pour le reconnaître: "les chiffres du chômage seront mauvais pendant encore plusieurs mois. Il ne s'agit pas de changer de président de la République ou de premier ministre pour que les choses s'inversent". D'après l'Unedic, la France comptera 181.300 chômeurs (ABC) de plus l'année prochaine, à ajouter aux +307.900 attendus sur tout 2012. Soit pas loin d'un demi-million de chômeurs supplémentaires en seulement deux ans et autant, peu ou prou, que lors de l'hécatombe de 2009. Quant aux destructions d'emploi, elles ne devraient ralentir que fin 2013 mais dépasser les 129.400 sur les deux années. En l'absence d'une stratégie efficace de croissance, de réformes sur le marché du travail - François Hollande a renvoyé cette question aux partenaires sociaux qui doivent boucler une négociation incertaine d'ici à la fin de l'année - et d'une ligne claire en matière de compétitivité (cf. les enterrements répétés du rapport Gallois avant sa publication), le gouvernement n'a d'autres choix pour limiter la casse que de se replier sur le bon vieux traitement social du chômage qui a tant fait ses preuves dans le passé: +120.000 contrats aidés non marchands débloqués en urgence la semaine dernière en plus des 320.000 déjà budgétés pour 2012 ; recrutement à compter du 1er novembre de 150.000 emplois d'avenir ; présentation le 12 décembre du projet de loi visant à créer 500.000 contrats de génération d'ici à la fin du quinquennat… Bref, plusieurs milliards d'euros de dépenses supplémentaires (pour l'heure largement non budgétées) qui n'ont d'autre objectif que de limiter la progression folle du chômage dans les 18 mois à venir. La limiter, mais ne pas l'inverser…
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