J’ai été officier de gendarmerie, j’ai commandé un escadron et un groupe d’escadrons de gendarmerie mobile, je connais donc un peu le maintien de l’ordre. J’ai remarqué, lors de ces heures d’affrontements de la Manif pour tous, deux choses.
La foule a envahi l’Étoile, puis le début des Champs parce qu’un barrage, tenu par la sécurité de la Manif – des personnes bénévoles non formées et situées à la gauche du podium -, a craqué. Il faut dire que les policiers qui épaulaient ce barrage se sont trouvés pris entre deux groupes, l’un sur la Grande-Armée, l’autre sur l’avenue Foch où s’agglutinait une foule n’ayant pu se positionner ailleurs.
Pour les gens, touristes dans l’âme, c’était une aubaine. Aussi la foule s’est-elle lentement écoulée par cette brèche vers l’Étoile, puis vers le début des Champs-Élysées. Elle a été stoppée à hauteur de chez Cartier par des grilles dressées, derrière lesquelles se tenaient des gendarmes casqués. Comme elle n’a ensuite rencontré aucun obstacle jusqu’aux grilles, elle s’est vue, pimpante, descendre la plus belle avenue du monde. Pour cela, elle a tenté de basculer les grillages, entraînant l’intervention des militaires qui, après avoir répandu du gaz, ont chargé sur 10 mètres pour se déployer devant ces mêmes grilles, engendrant du même coup de brefs mais violents affrontements. Les gendarmes, en professionnels, se sont abstenus d’aller plus loin, mais le mal était fait. Enfants, adolescents ou personnes âgées, couples ou « activistes », tous ceux qui étaient présents dans un rayons de 100 mètres ont reçu une bonne giclée, histoire de dégager les sinus, moi le premier d’ailleurs, soutenu par Ivan Rioufol à mes cotés.
Ne pouvant franchir ce barrage d’acier, la foule a essayé de le contourner en coulissant par les trottoirs, d’où de nouveaux gazages. Subitement, nous étions dans « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » de Jean Yanne. Sauf que les gauchistes étaient remplacés par les hétérophiles (pour certains, haltérophiles aussi). Un pas en avant pour les CRS et une giclée de lacry, un pas en arrière et hurlement : « Libérez les Champs » et « Hollande démission » pour les autres. Sauf que les gens de la Manif n’avaient ni armes ni lacry. Pour donner plus de relief à ce concert, les ambulances de l’Ordre de Malte venaient sirènes hurlantes chercher les blessés.
Un son et lumière réussi dû à M. Valls.
Certes, de nombreux jeunes étaient présents, mais il est inadmissible de la part du ministre de l’Intérieur de parler d’un débordement du rassemblement C’est la pénétration place de l’Étoile qui a mis le feu aux poudres.
Je voudrais terminer sur un dernier point qui me tient à cœur. Il est scandaleux que les responsables de « la Manif pour tous », reprenant les mots des gens du gouvernement, aient parlé de débordement par des minorités et des gens d’extrême droite. Certes, il devait y avoir des gens du GUD ou d’autres mouvements proches ; mais le vieil homme qui était assis, haletant, essayant de reprendre sa respiration, n’était pas d’extrême droite ; la petite fille, les yeux rougis, pleurant dans les bras de sa mère, n’était pas non plus une ultra ; l’adolescente, ou le journaliste gisant par terre secouru par un CRS, encore moins ; et que dire de la touriste japonaise dont la face était aussi rouge et ronde que son drapeau. Non, ils étaient simplement là parce qu’ils voulaient la descendre, cette « putain » d’avenue.