- 10 mai 2013
- Le Figaro
- LE BLOC-NOTES Ivan Rioufol irioufol@lefigaro.fr blog.lefigaro.fr/rioufol
François Hollande ne change pas une politique qui perd. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, parions que les échecs d’un an de mandat (augmentation de ce qui devait baisser, baisse de ce qui devait augmenter) auront empiré le 6 mai 2014, à la fin de l’An II. L’explication est simple : le gouvernement n’entend pas alléger l’État-providence, ce luxe que les Français disent pourtant ne plus pouvoir s’offrir. En 2014, le pays aura le plus haut niveau de dépenses publiques (57,1% du produit intérieur brut) de l’Union européenne. Alors que les cigales (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) sont devenues fourmis, le hollandisme chante son ode à un monde dépassé. Jean-Marc Ayrault l’a dit, dimanche sur TF1 : « Il n’y a pas d’austérité (…). Moi, je veux sauver le modèle social et le modèle républicain. » Là est justement l’écueil.
Derrière la défense du « modèle social » se dissimule l’incapacité du pouvoir à admettre la faillite de l’État-mamma. Elle oblige à réduire les aides et les redistributions. Or, non seulement les socialistes refusent cette issue, mais le président a décidé d’un plan d’investissement public sur dix ans. L’État est-il si riche et efficace pour se permettre le grand jeu ? Ayrault a avoué qu’il ne voulait pas se « soumettre » à la réalité mais la « transformer » . Ce péché d’orgueil, commun à la gauche, est à la source des maux. En juin 2012, Pierre Moscovici assurait déjà : « La France arrivera à 3% de déficit en 2013 sans mesure d’austérité. » La promesse n’ayant pas été tenue (le déficit sera de 3,9% cette année, et sans doute de 4,2% en 2014), le ministre du Budget aurait pu reconnaître son erreur. Mais il persiste : « L’austérité,
c’est fini ! » Il n’y a pas pire sourd… Ces incantations croient rassurer l’opinion ; elles ont l’effet inverse. Les citoyens lucides se désespèrent même de l’immobilisme de leurs dirigeants. Une enquête Ipsos, publiée par Le Monde de mardi, montre que les Européens ne croient plus en l’État-providence. Ils ont compris que ce système exemplaire n’avait plus les moyens d’être généreux, ni protecteur. Seuls 21% des Français estiment que le gouvernement propose des solutions constructives pour affronter la crise (contre 45% en Allemagne, 40% en Grande-Bretagne). 77% pensent qu’il ne réduit pas assez ses dépenses. Pour s’en sortir, ils font davantage confiance au secteur privé : 62% sont prêts à déléguer aux entreprises la gestion des services publics. Cela s’appelle une révolution des mentalités. La gauche, une fois de plus, n’a rien vu venir.
Le PS ne comprend décidément rien à la société moderne et à ses mutations, conservatrices et libérales, qui lui tournent le dos. Quand le ministre Michel Sapin, inutilement blessant, vante l’intelligence, la finesse, la pertinence du gouvernement (mardi, sur Europe 1), il montre tout au contraire l’enfermement du pouvoir, qui lui vaut une impopularité jamais atteinte. La gauche croit se rapprocher du peuple en donnant des gages à Jean-Luc Mélenchon, qui refuse l’austérité et le remboursement de la dette. Elle croit ouvrir la voie à la relance, en bradant une partie de ses participations industrielles (qui totalisent près de 60 milliards d’euros). Mais ce n’est pas ce qui est attendu d’un appauvri. Il doit d’abord réduire ses dépenses et préserver ce qui lui reste de richesses. Jusqu’où la France devra-t-elle tomber pour que Hollande rectifie sa politique ? Le malentendu Il y a un malentendu à propos du sursis de deux ans que la Commission européenne vient d’accorder à la France. Pour Bruxelles, ce délai doit servir à honorer le pacte de stabilité que Hollande a signé et qui prévoit un déficit ramené à 3% du PIB. Or le hollandisme, drogué à la dépense publique, voit dans ce relâchement un encouragement à poursuivre son vice ; il a immédiatement décidé de liquider des bijoux de famille au nom de la croissance. Mais procéder de la sorte revient à arroser le sable, si rien n’est fait préalablement pour réformer le marché du travail, les retraites, la protection sociale, etc. C’est aussi ce que le président du Conseil, Herman Van Rompuy, a rappelé, mardi, en demandant à la présidence française de revoir en profondeur son économie, en échange de ce répit qui reste à confirmer. Alors que le Portugal vient de passer de 35 heures à 40 heures et de supprimer des postes de fonctionnaires, alors que l’Espagne a réduit de 5% les salaires de la fonction publique, gelé les embauches et baissé les indemnités chômage, la France n’a toujours pas appliqué le début d’une rigueur qui fait hurler la gauche.
Il est loisible de reprocher beaucoup de choses à l’Union européenne. Notamment de s’être construite cul pardessus tête, dans le mépris des peuples, des mémoires, des identités. De ce point de vue, elle récolte l’incompréhension qu’elle a semée et qui se vérifiera vraisemblablement aux élections européennes de 2014. D’ailleurs, si elle ne veut pas se laisser dissoudre sous la pression des pays émergents, elle devrait reconstituer très vite son « noyau dur » culturel, hérité d’Athènes, de Jérusalem et de Rome, et consolider l’alliance avec les autres pays occidentaux que sont les États-Unis et Israël, comme l’argumente Édouard Valdman*. Mais, en l’occurrence, ses réponses à la crise de l’endettement des États sont difficilement contestables. Elles commencent, ici et là, à porter leurs fruits. Aussi la mauvaise volonté française, engagée de surcroît dans un bras de fer stupide avec Angela Merkel, risque d’affaiblir davantage une Europe déjà malade. L’immigration, problème majeur Les élites européennes feraient bien de revoir, au passage, le bien-fondé des mérites comptables qu’elles prêtent si légèrement à l’immigration, au prétexte qu’elle créerait de la croissance économique et démographique. Le sondage Ipsos cité plus haut fait ressortir, une fois de plus, l’inquiétude attachée à ce sujet, singulièrement chez les Britanniques et les Français. Ils le classent en priorité des problèmes à résoudre pour sortir de la crise. Pour les premiers, les étrangers seraient « une concurrence déloyale ». Les seconds leur reprochent la charge qu’ils feraient peser sur les comptes sociaux. Selon Le Monde, qui commente l’enquête, « le remède à la crise se résume ainsi : ne plus permettre l’arrivée massive de personnes n’ayant rien à faire en France », « Redonner le goût du travail aux gens » , « Faire respecter notre pays, nos règles et nos lois » . Les socialistes entendent-ils ? * «Demain, l’Occident !», L’Harmattan. Prochain bloc-notes : 24 mai.