- 11 mai 2013
- Le Figaro
- Natacha Polony
Est-il besoin de le répéter, la crise que traverse la France n’est pas seulement économique, ni même politique. C’est également une crise civilisationnelle, un questionnement identitaire que de vagues discours sur notre ancrage européen ne suffiront pas à apaiser..........
Ce qui travaille la France, de façon plus sourde mais aussi profonde que le chômage de masse, c’est sa difficulté à se construire un récit fondé sur une vision de l’avenir appuyée sur une lecture du passé.....
C’est la double erreur de ceux qui croient qu’il suffit de mettre un tampon sur une carte d’identité pour fabriquer des Français et de ceux qui croient qu’il suffit de promettre la croissance économique pour faire aimer une Europe vidée de sa substance et de son histoire : ils oublient que l’homme est un être de chair et qu’à défaut de trouver autour de lui, dans la géographie et les modes de vie, ce qui le façonne – selon la fameuse théorie des climats développée par Montesquieu –, il le cherchera dans des identités fantasmées, souvent plus rigides et totalitaires.
Sortir la France de la crise qui la mine aujourd’hui nécessite de comprendre ce qu’est ce pays dans son unicité. Un pays composé d’une diversité de régions, de climats et de langues qui font sa richesse et dont il doit à tout prix préserver non seulement la mémoire mais la culture vivante, autrement que sous la forme d’un folklore pour touristes. Un pays héritier de l’antiquité gréco-romaine et de deux millénaires chrétiens, qui s’est construit au fil des siècles, très loin de l’imagerie d’une France éternelle courant de Clovis à Napoléon, mais réuni autour d’un idéal politique, une République laïque définie par des valeurs philosophiques, liberté, égalité et fraternité. Un pays que les nouveaux arrivants ne pourront faire leur que s’ils s’en approprient l’histoire et la géographie, plutôt que de les nier comme le préconisent aujourd’hui des idéologues persuadés que c’est en effaçant les identités (celles de la France et de ses régions, pas celles des migrants et de leurs ancêtres) que l’on fabrique de l’égalité.
Sortir la France de la crise qui la mine nécessite un véritable discours sur la Nation, qui sache réconcilier l’idéal universaliste et l’ancrage territorial à travers la notion de patrimoine partagé. Qui réponde à l’abstraction de la consommation et des marchés par l’Histoire et la culture, qu’elles soient régionales, françaises ou européennes.