Le dialogue épistolaire qui a opposé la semaine passée Maurice Taylor, le patron du groupe américain Titan, à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif et l’un des « éléphants» du gouvernement actuel, n’a pas été à l’honneur de ce dernier. Traiter un industriel «d’extrémiste» parce qu’il pointe du doigt un certain nombre de dysfonctionnements et les abus de pouvoir d’une CGT irresponsable, est plus qu’excessif. C’est une insulte. Et chacun sait que les insultes sont les armes des faibles. L’ensemble de la lettre d’Arnaud Montebourg est une insulte. Une insulte à la vérité économique. Une insulte à la réalité des conditions d’implantations sur notre territoire. Une insulte à la liberté d’entreprendre en France.
Le ministre du Redressement productif, qui porte bien mal son titre, tant le nombre d’emplois détruits dans l’industrie, celui des dépôts de bilan et des plans sociaux n’a jamais été aussi élevé, ne manque pas de talent pour faire prendre des vessies pour des lanternes. Dans son courrier au patron de Titan, Arnaud Montebourg rappelle que les entreprises étrangères continuent d’investir bon an mal an en France. Bien sûr, lorsque l’on s’appelle Amazon et qu’on connaît un succès croissant auprès des consommateurs français, il n’y a pas d’autre solution que d’implanter un nouveau centre de stockage. Mais ce serait plus honnête de rappeler que le site repris par Amazon est celui d’une ancienne usine Kodak qui a fermé parce qu’elle n’était plus compétitive.
Bien sûr le flux des investissements provenant de l’étranger se maintient. Mais personne n’a constaté la ruée de firmes américaines sur nos friches industrielles. Personne n’a vu des embauches par milliers de salariés français qui seraient bien contents de travailler pour des groupes comme Titan.
La réalité, Arnaud Montebourg la connaît très bien. Oui la France reste attractive. Elle attire en masse les capitaux étrangers qui, plutôt que d’acheter des usines, préfèrent acquérir des parts de sociétés du CAC 40 au point de détenir en moyenne 42 % de leur capital. Plutôt que de s’embarrasser avec notre droit du travail, nos comités d’hygiène et de sécurité, nos syndicats irresponsables et notre fiscalité spoliatrice, les Américains que notre ministre insulte à travers l’un de ses industriels, grignotent petit à petit le capital des champions français de l’industrie.
La réalité, c’est que la France est devenue une terre de conquêtes pour des pays émergents qui n’investissent pas dans la production industrielle, mais dans l’immobilier de luxe, les vignobles voire les terres agricoles ou le sport. La réalité, c’est que les fleurons du patrimoine français, qu’il s’agisse du Crillon comme des magasins du Printemps, du Clos-Vougeot ou de l’immeuble Virgin sur les ChampsÉlysées, passent tous les jours dans des mains étrangères.
La réalité, c’est que la France reste attractive pour tous les fonds spéculatifs installés à Londres, New York ou Boston et qui n’hésitent pas à mobiliser des milliards d’euros pour spéculer contre la dette hexagonale, en anticipant sur les difficultés croissantes de notre économie, en misant sur l’explosion de nos déficits et en pariant sur notre incapacité à faire les réformes de structure. Bref en faisant le constat qu’à la différence de tous nos voisins, la France continue à s’enfermer dans un déni de réalité face aux changements liés à de vieilles économies qui n’en finissent pas de mourir et à de jeunes pays qui n’en finissent pas d’émerger.
La réalité enfin, c’est que la France reste attractive pour des populations immigrées qui comprennent vite tous les intérêts du modèle social français, de nos allocations généreuses et d’un pays où l’on ne pense qu’à instaurer de nouveaux droits sans jamais imposer des devoirs. Et en contrepartie, chaque jour, ce sont maintenant 100 jeunes Français qui en ont ras le bol de cet assistanat et qui partent à Dubaï où ils trouvent du travail en 48 heures, dans une ville qui déborde d’énergie, de moyens et d’ambitions.
Voilà pourquoi Arnaud Montebourg ment lorsqu’il affirme de manière péremptoire et arrogante que la France reste un pays attractif pour les industriels. Oui, la France est un pays formidable pour sa qualité de vie, pour la qualité de sa maind’oeuvre, l’ingéniosité de ses cadres, l’environnement énergétique et l’efficacité de ses infrastructures. Mais c’est un pays où le Code de l’urbanisme est tel qu’il faut deux ans au moins pour implanter un site industriel. C’est un pays où un tiers du Code des impôts est réécrit tous les deux ans. C’est un pays où des juges qui ne connaissent rien de l’entreprise peuvent décider de casser un plan social. Bref, c’est une belle terre de liberté sauf pour ceux qui souhaitent entreprendre. Et c’est la raison pour laquelle Arnaud Montebourg se trompe énormément.