- 6 avr. 2013
- Le Figaro
- Paul-Henri Pa du Limbert phdulimbert@lefigaro.fr phd
Quel déchaînement ! Quelle pluie de grêlons ! Quelle tempête ! Les lecteurs du Figaro n’en reviennent toujours pas. Cette semaine fut-elle un mauvais rêve ou étionsnous bien réveillés ? Hélas, nous l’étions. Ils n’éprouvaient pas une folle passion pour François Hollande - c’est le moins qu’on puisse dire - ils sont désormais définitivement fâchés avec lui. Et le mot est faible. Les plus aimables, comme Jacques Amster, observent que « le président n’est pas à la hauteur de sa tâche » . Qu’en termes choisis… Les plus vindicatifs, qui forment une majorité, invitent le chef de l’État à quitter l’Élysée toute affaire cessante, avec les noms d’oiseaux qui vont avec et qu’il n’est peut-être pas utile de citer ici… Résumons tout de même l’immense frustration des lecteurs avec ce mail d’un internaute se faisant appeler « Anti-Fraise des Bois » : « Va-t-on vivre pendant cinq ans avec trois petites blagues et deux scandales par semaine ? » Il s’offusque que, sous la pluie marocaine, jeudi, le chef de l’État ait pu se laisser aller à un nouveau petit trait d’humour ( « gouverner, c’est pleuvoir » ) alors qu’à Paris l’orage Cahuzac était à son paroxysme.
Selon la définition qu’ils donnent de la crise actuelle, les lecteurs divergent sur la façon de la résoudre. Les plus magnanimes mettent le tohu-bohu des jours passés sur le compte d’une « erreur de casting ». Marie-Françoise Marella est de cet avis et propose aimablement au chef de l’État une sortie de crise : « Il renvoie Jean-Marc Ayrault, sort du gouvernement tous les inutiles, qui sont nombreux, et repart avec un nouveau premier ministre et un nouveau cap, réellement réformateur. » Pour elle, la crise est conjoncturelle. Claude Senepart est du même avis et suggère avec humour de « révoquer l’édile de Nantes » , c’est-à-dire de renvoyer Jean-Marc Ayrault en Loire-Atlantique. MarcoPolo, internaute, a des doutes et cite Lewis Caroll : « La chenille dit à Alice : “si tu ne sais pas où tu veux aller, tous les chemins t’y mèneront.” Un gouvernement remanié aussi. »
Pour la majorité des lecteurs, il s’agit d’une crise politique majeure, qui couvait selon eux depuis le 6 mai dernier. « La gauche a gagné par effraction ! Il y a maldonne dès le départ, on est à l’heure des comptes » , assure François F., de Paris. Tom Jensen propose d’inventer une nouvelle notion juridique : « l’abus de faiblesse de l’électorat » , qui serait sanctionné par l’obligation de convoquer de nouvelles élections. Bref, tous ceux-là penchent pour une dissolution rapide de l’Assemblée nationale.
Au risque de décevoir les lecteurs du Figaro, il faut préciser que François Hollande n’est vraiment pas dans cette disposition d’esprit. Il est de ceux qui, en avril 1997, ont vu en spectateur intéressé comment un président de la République, Corrézien comme lui, a tout perdu en quatre semaines. Une dissolution, une défaite, une interminable cohabitation. François Hollande a été suffisamment impressionné par la grande fessée électorale du printemps 1997 pour ne pas se l’appliquer à lui-même.
La dissolution, solution extrême, est rejetée par ceux de nos lecteurs qui ne parlent pas de « crise politique » mais de « crise de régime » . Ils ne souhaitent pas de législatives anticipées, ils veulent rejouer le match de la présidentielle, hic et nunc. Donc, ils « exigent » - autant qu’on peut l’exiger - la démission du président de la République. Pas plus, pas moins. Mais c’est déjà énorme. Par mail, Thomas Bernard lâche, lapidaire : « Il y a une solution pour sortir de l’impasse, c’est la démission de M. Hollande lui-même. » Au risque, là aussi, de décevoir, peut-on raisonnablement croire que le chef de l’État va lâcher le Saint Graal qu’il a mis tant d’années à obtenir au simple motif qu’on le lui demande ? Sur le Net, SAB001 est de cet avis : « le ciel pourra lui tomber sur la tête, Oui-Oui ne partira pas. J’y suis, j’y reste. »
C’est probable. Il n’en demeure pas moins que la France ressemble à un volcan en fusion. Mille chômeurs de plus chaque jour, une croissance nulle, un grand ciel brouillé au-dessus des têtes, un scandale politique retentissant, un envahissant sentiment de déclin… Et pour seule réponse, la désormais fameuse « boîte à outils » du président, censée restaurer la croissance, donc la confiance, et, partant, l’harmonie entre les Français. C’est bien peu et cela ne convient à personne. Surtout pas à tous ceux qui comptent manifester au mois de mai contre le président de la République, à droite, à l’extrême gauche, à l’extrême droite. Un lecteur prédit que, cerné de toutes parts, François Hollande finira par fléchir. À l’avance, il s’enthousiasme avec Apollinaire : « Le mai, le joli mai… » On n’en est pas là, mais plutôt qu’Apollinaire, après une telle semaine, c’est le moment de citer Rimbaud, son Bateau ivre et ses « flots abracadabrantesques »…