Allons nous attendre une guerre civile annoncée ?
- 5 mars 2013
- Le Figaro
- YVES DE KERDREL ydekerdrel@lefigaro.fr ydekerdrel
Moins de dix mois après son élection à la présidence de la République, le sol se dérobe sous les pieds de François Hollande. Jamais les enquêtes d’opinion n’ont fait preuve à la fois d’une telle défiance à l’égard de sa politique d’austérité et de la pression fiscale insupportable et d’une telle désillusion au regard des promesses non tenues : l’incapacité d’inverser la courbe du chômage, de tenir le déficit budgétaire et d’empêcher la récession.
Surtout, plutôt que de tout mettre en oeuvre pour faire revenir la confiance notre nouveau « Petit père Queuille » prend des décisions incompréhensibles. La suppression du jour de carence pour les fonctionnaires. L’annonce de nouvelles hausses d’impôt, même à titre « subsidiaire » qui tétanise les entrepreneurs. Et le pire a été ce vote indécent par le Sénat d’une loi d’amnistie pour les syndicalistes casseurs, que le gouvernement a présenté comme une initiative communiste, mais qui a été approuvée par l’ensemble des socialistes.
Celui qui disait haut et fort devant des millions de Français, avec une arrogance rare : « Moi président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés » puis « Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante » a réussi à se renier deux fois avec ce seul texte. D’abord en piétinant le rôle qu’il voulait donner au dialogue social. Ensuite en forçant la justice à tirer une croix sur tous ces dossiers de casseurs, mais aussi de syndicalistes qui confondent la défense des salariés et la prévarication. Puisque seraient également amnistiées les appropriations frauduleuses et les malversations financières. Histoire sans doute de passer l’éponge sur ces centaines de millions d’euros disparus dans des comités d’entreprise de grands groupes publics.
J amais
un gouvernement qui parle tous les jours d’apaisement, de justice, et de respect de l’ordre n’aurait dû laisser passer un tel texte qui déshonore tous ceux qui l’ont voté et qui donne de la France une image lamentable à l’étranger. C’est bien plus qu’une erreur, voire même une faute, c’est tout simplement une honte. Surtout, ce texte, s’il n’est pas amendé, revu et corrigé va avoir trois conséquences terribles.
Primo : comme l’a souligné très justement Laurence Parisot, la présidente du Medef, cette proposition de loi est un « appel à encourager la destruction et le cassage » avant d’ajouter : « Ceci est extrêmement grave. Je pense que nous sommes un des rares pays en Europe qui adopte ainsi des lois d’amnistie et surtout des lois d’amnistie (concernant) des délits qui ont pu aboutir à des destructions de biens ou ont peut-être mis en danger certaines personnes. » Si bien qu’il faut s’attendre, désormais à ce que chaque annonce de plan social ou de fermeture d’usine soit l’objet d’un cassage organisé, de séquestrations de dirigeants, d’actes de sabotages qui ne vont améliorer ni notre situation, ni l’envie d’industriels d’investir en France, ni l’image du pays à l’étranger.
Secundo
: ce texte constitue « une gifle au dialogue social » comme l’a très justement affirmé Éric Woerth, l’ancien ministre des Affaires sociales. Voilà donc un gouvernement qui ne cesse de plaider pour le dialogue, pour les passerelles entre patronat et syndicats, et pour la discussion, qui décrète tout d’un coup une prime en faveur de l’antagonisme, du conflit, voire même de la joute la plus violente possible. Dans un pays où le populisme de droite, comme de gauche frappe à la porte des urnes, ce vote constitue la promesse d’un avenir bien sombre pour tous les chefs d’entreprise.
Tertio : ce qu’il y a sans doute de plus terrible dans ce texte, c’est qu’au sein de l’entreprise, il crée deux catégories distinctes qui n’ont ni les mêmes droits ni les mêmes devoirs. D’un côté il y aura ces syndicalistes, activistes, et meneurs qui pourront casser en toute impunité, et de surcroît faire filmer leurs « exploits » comme cela a été le cas avec les « Conti ». D’un autre côté il y aura des patrons, pour lesquels il n’y a jamais d’impunité. Puisque, désormais la justice s’est invitée en permanence dans la vie des affaires. À tel point que chaque chef d’entreprise est un coupable en puissance. Coupable d’être simplement responsable. Coupable de réorganiser son entreprise afin qu’elle reste rentable. Coupable de chercher à satisfaire à la fois ses clients, ses collaborateurs et ses actionnaires.
Avec une telle mesure, François Hollande n’a pas seulement acté un texte inique. Mais il a ouvert la porte à une conflagration nationale, à un scénario à l’italienne, voire même à une sorte de guerre civile. Lui qui disait vouloir apaiser la France… la crispe comme jamais !