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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 09:45

 

Le Figaro

NATACHA POLONY

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chronique

En cette nouvelle année, le président de la République a adressé ses voeux à la nation. Il a répété, à cette occasion, que toute son énergie était concentrée sur l’inversion de la courbe du chômage. Nous partageons tous cet objectif, tant le chômage de masse est aujourd’hui la cause principale du délitement du corps social, du creusement des déficits et du déséquilibre majeur entre les générations. Mais quelques jours à sillonner la France pendant ces fêtes, à observer et interroger des artisans, des plus simples aux plus prestigieux, donnaient une autre dimension à ce problème crucial.

L’artisanat et le petit commerce sont pourvoyeurs d’emplois dans un pays dont l’art de vivre s’est fondé sur le plaisir du beau et du bon, sur l’agrégation de petites patries aux identités incarnées dans des produits, des objets et les hommes qui les créent. Et certes, qui écoute ces petits patrons les entend déplorer les charges trop élevées qui pèsent sur les embauches. Oui, tel propriétaire d’un magasin de jouets de centre-ville expliquera comment une marque rachetée par un groupe financier étranger a augmenté de 40 % ses prix pour tenir compte des marges arrière que lui réclamera la grande distribution. Autrement dit, le petit commerçant financera les baisses de prix consenties à ceux qui vont l’asphyxier. Oui, tout cela relève de la réalité ordinaire.

Mais

le discours que l’on entend le plus, de la part de patrons qui n’ont rien de méchants exploiteurs en quête de performance, mêle inquiétude et étonnement : les jeunes qu’ils reçoivent, disent-ils, n’ont, sauf exception, pas la moindre idée de ce que peut être l’investissement dans un métier. Alors même qu’ils ont la chance de ne pas travailler à la chaîne, à la caisse d’un supermarché ou dans des domaines où le management moderne a effacé tout sens de la tâche accomplie, ils sont devenus de petits fonctionnaires du profit. Élevés dans le culte des loisirs et de la rentabilité, par des adultes qui ont accepté toutes les déshumanisations d’une société de consommation aveugle, ils sont consommateurs de leur propre vie. La passion leur est interdite ; celle du travail bien fait relève de la blague.

Comment en arrive-t-on là ? À produire des jeunes gens qui regardent leur montre à 18 heures? Qui ne comprennent pas que leurs aînés aient pu sacrifier leurs soirées ou leurs fins de semaine, non pas pour enrichir un patron, mais par amour d’un métier que l’on voulait exercer dans toute sa plénitude ? Il serait sans doute temps de nous interroger sur les messages inconscients que nous avons envoyés à cette jeunesse pour la priver d’un des plus grands bonheurs, la fierté de s’accomplir dans une tâche gratifiante. Mais depuis l’enfance, dans les familles ou à l’école, nous avons fait de l’apprentissage une épreuve, une corvée, quand c’est la plus grande des richesses. Nous avons appris à nos enfants les calculs d’apothicaire, et nous nous étonnons que le baccalauréat et les diplômes qui suivent, qui devaient couronner la fin des études et l’acquisition du savoir, ne soient plus que des bouts de papier que l’on obtient pour décrocher un poste bien rémunéré. Nous leur avons appris les droits et la revendication et nous nous étonnons qu’ils ne connaissent pas la vocation. Mais il n’est pas de société qui tienne sans cet investissement de ceux qui le peuvent, de ceux qui exercent des métiers où l’on peut s’accomplir ; et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, tant il est vrai que toute tâche, même balayer une cour, peut être faite bêtement ou intelligemment.

Sans doute devrions-nous tous relire ces lignes, tirées de Citadelle, de Saint-Exupéry, et les enseigner à nos enfants, pour leur rendre le bien que nous leur devons : la passion. « Et j’ai appris ceci qui est essentiel : à savoir qu’il importe de bâtir d’abord le navire et de harnacher la caravane et de construire le temple qui dure plus que l’homme. Et désormais les voilà qui s’échangent dans la joie contre plus précieux qu’eux-mêmes. Mais n’espère rien de l’homme s’il travaille pour sa propre vie et non pour son éternité. (…) Et je passai devant mon savetier à la jambe unique occupé d’embellir de filigranes d’or ses babouches et je compris bien, malgré qu’il n’eût plus de voix, qu’il chantait : “Qu’y a-t-il, savetier, qui te rend si joyeux ?”. Mais je n’écoutai point la réponse, sachant qu’il se tromperait et me parlerait de l’argent gagné ou du repas qui l’attendait ou du repos. Ne sachant point que son bonheur était de se transfigurer en babouches d’or. » Qui sont-ils, les savetiers de la République ?

 

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Published by voxpop - dans La France en résistance

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