Quarante-huit heures déjà que l’événement est survenu et rien. Rien chez Mediapart, rien sur le Lab d’Europe 1, rien non plus chez Arrêt sur images révélant quelque carambouille auquel le prédécent président nous a tant habitué, d’ouvriers rameutés pour faire masse lors d’une visite de chantier en petits employés mobilisés pour faire bonne mesure. Et pourtant, en une minute et cinq secondes, quelle scène, quel théâtre, quel cirque.
Jeudi, à l’école des Trois Cahiers (déjà, t’y crois vachement) à Dieudonne (non, rien), François Hollande rencontre des lardons de maternelle. L’un d’eux lui lance: «François Hollande, t’es beau.» Stop, on arrête tout: combien de Roudoudous nos impôts ont-ils payé pour stipendier cet enfant? On continue. Hollande désignant la perche hors champ: «J’espère que ça a été enregistré parce que ça peut toujours servir.» Et bam, il embrasse le môme. Pendant que Vincent Peillon commente la scène: «Mais tu es beau aussi, tu sais.» Ajoutant, parce qu’il est socialiste, à l’attention de toute la classe: «Vous êtes tous beaux.» Une voix, en dehors du cadre encore, réclame alors un «bisou»pour son Dylan. Là, c’est l’escalade. Les moutards se lèvent tous exigeant chacun leur bisou. Et Hollande de s’exécuter: «Quelle chance, quelle chance.» Analyse d’une Catherine Nay de 90 cm: «Il a plein de bisous.» Hollande approuve: «J’ai plein de bisous, moi, hein, je suis le Président des bisous.» Happy end du président de la République: «Si on me fait autant de bisous pendant le quinquennat, ça ira, hein, mais c’est pas sûr.» A ce stade, si vous êtes diabétique, vous êtes mort. A ce stade, même si vous êtes le Dépeceur de Montréal, vous avez les larmes aux yeux. A ce stade, si vous êtes nous, brandissant votre carte de presse comme un bouclier de cynisme bardé de certitudes, vous doutez.
Quel diabolique spin doctor, quel storytelleur sans âme, quel chargé de la communication à la queue fourchue a pu imaginer telle mise en scène miellée? Et comment, surtout, a-t-on pu la gober ainsi? Quand la photo officielle de François Hollande a aussitôt déclenché des milliasses de détournements, aucun n’a encore été recensé de la scène des bisous. C’est louche. Comme l’a dit Alain Juppé , «en matière d’enfumage médiatique, je crois qu’on n’a pas encore tout vu».