Pascal Bruckner: "Non à l'ehpadisation générale des plus de 65 ans!"
ENTRETIEN - L'écrivain, auteur d'Une brève éternité. Philosophie de la longévité (Grasset, 2019), réagit aux propos d'Ursula van der Leyen et de Jean-François Delfraissy au sujet du confine...
La réclusion générale des séniors jusqu’aux premiers frimas est une façon de leur faire payer les déficiences du système médical: on choisit d’enfermer les aînés jusqu’à nouvel ordre, pour libérer des lits en réanimation. Absurdité: le simple fait qu’ils aient déjà la possibilité de sortir une heure par jour les expose aux aléas du virus. Ou alors il fallait les incarcérer d’emblée.
Vieillir, c’est entrer dans le temps court, déployer des avenirs brefs. Chaque jour est le premier jour du reste de notre vie, comme disent les Anglo-Saxons, et ce reliquat se contracte à mesure que l’on avance dans le temps. Prendre de l’âge, c’est entrer dans l’ordre du calcul: tout nous est compté, chaque heure qui passe amenuise les options. Sacrifier un printemps, un été, c’est pour beaucoup d’hommes et de femmes piétiner des saisons qui ne reviendront peut-être jamais. Cette rupture du lien entre les générations peut faire mourir les gens de chagrin, relancer les maladies latentes, tout cela au nom du rêve sordide de voir s’éclipser une classe parasite pour laisser la place aux plus verts.