Le Pape incarnait cette humilité d’un théologien de haute volée, injurié par le crétinisme galopant.
- 15 févr. 2013
- Le Figaro
- IVAN RIOUFOL R irioufol@lefigaro.fr
Le Saint Père, caricaturé en anti-moderne parce qu’il refuse évidemment les modes, a su montrer et défendre un ressort caché du progrès, fruit de l’alliance entre la raison et la foi. En dénonçant la « dictature du relativisme » , qui conduit à tout indifférencier au nom d’un intégrisme égalitariste, il a su replacer l’héritage occidental, issu pour beaucoup de la tradition chrétienne, en rempart des tentations totalitaires. Cet intellectuel a érigé l’esprit critique, encouragé par l’humanisme biblique et les Lumières, en obstacle aux idéologues de l’homme nouveau, qui prétendent ces jours-ci se passer de la procréation naturelle pour concevoir un enfant. Le lien qui unit les Dix Commandements à la Déclaration des droits de l’homme est celui d’une culture millénaire devenue source de libération politique.
Loin d’être archaïque, Benoît XVI est au contraire l’inspirateur d’une contreculture en marche, mobilisée contre les tyrannies et les pouvoirs abusifs. Il est le passeur d’un livre écrit par les hommes, la Bible, considérée par Armand Laferrère (1) comme « l’une des pierres fondatrices de la liberté humaine » . Il n’est pas besoin d’être dévot ni même religieux pour reconnaître la force émancipatrice et créatrice que constitue la civilisation judéo-chrétienne. Elle est toujours là, en dépit des « déconstructeurs » qui voudraient la vider de sa mémoire, de son contenu, de son sens. Il suffit d’observer ses adversaires intérieurs, qui rêvent d’un nouveau monde ouvert aux ambitions folles de l’homme créateur de lui-même, pour se convaincre de leur dangerosité et de la nécessité de dégonfler ces mégalomanes qui ne touchent plus terre.
Dans une Europe confrontée au nihilisme, à la détestation de soi, à la tentation de l’effacement, ces préludes à la subversion totalitaire, le successeur du Pape aura à poursuivre la voie de JeanPaul II et Benoît XVI : celle d’une réaffirmation décomplexée de l’identité européenne et de ses racines, notamment chrétiennes, qui ont porté une civilisation à son apex. C’est sur ce socle que doit également reposer la politique d’intégration des populations extraeuropéennes ayant choisi de rejoindre la France pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle serait sommée de devenir, en reniant son passé. Les fossoyeurs de l’identité française et européenne honnissent Benoît XVI. C’est bon signe. « Moins nous cherchons notre gloire, plus notre témoignage sera incisif » , a-t-il dit hier dans ses adieux, en appelant à « un vrai renouveau de l’Église » . Cet homme doux reste un combattant redoutable.
Combats partagés avec la société civile
Les Français, qui s’écartent de la religion catholique, peuvent pourtant partager avec elle des combats novateurs quand il s’agit de résister à l’arasement de leur identité, de défendre le bon sens qui fait ricaner les beaux esprits, ou de se reconnaître dans une doctrine sociale qui ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes. L’exaspération de la société civile contre ses élites est un allié de poids pour résister au postmodernisme, qui prétend effacer les différences entre les civilisations et les peuples, mais aussi entre l’homme et la femme, le citoyen et l’étranger, le maître et l’élève, etc. Démonstration de ce réveil a été faite le 13 janvier, à Paris, avec la manifestation de masse contre le mariage homosexuel, organisée par la catholique Frigide Barjot. Après l’adoption du projet, mardi par les députés de la majorité et avant son examen au Sénat, cette figure excentrique de la protestation appelle à une montée en puissance le 24 mars. Ce sera là l’occasion de vérifier l’état d’insurrection de la France. Parions sur un succès. D’autant que l’adoption du mariage gay et de l’adoption, même s’ils ont été dissociés de la procréation médicalement assistée et des mères porteuses réclamées par le lobby homosexuel, permettra à l’Union européenne et à la Cour européenne des droits de l’homme, garante de la non-discrimination sur l’orientation sexuelle, d’imposer à la France l’ensemble de ces autres dispositifs (2).
Europe impériale
Cette Europe impériale, qui force les États « souverains » à se plier à ses jugements et à ses lois, est d’ailleurs devenue le lieu de tous les abandons culturels. Alors que ses pères fondateurs (Robert Schuman, Konrad Adenauer) se réclamaient du christianisme, ce joyau de la civilisation rejette ses racines et son histoire. L’Union européenne, technocratie sans âme, a refusé d’inscrire le patrimoine chrétien dans sa Constitution, pour préférer s’ouvrir à l’idéologie du moment : au nom de la non-discrimination, du respect de l’autre et de l’égalité, l’Europe est ainsi invitée à céder la place aux minorités et aux nouveaux venus, avec une fascination toute particulière pour l’islam, dispensé de s’intégrer dans ce nouvel espace multiculturel. Cette Union en déclin, incapable de la moindre protection, est devenue un foyer potentiel de conflits internes. Aussi est-il temps qu’elle redécouvre qui elle est. Avant que les peuples, qui lui tournent déjà le dos, ne l’abandonnent totalement.
Les Femen à la mosquée ?
Les militantes du mouvement féministe Femen se sont exhibées, seins nus, sous la nef de Notre-Dame de Paris, mardi, pour célébrer le vote du mariage gay et la démission du Pape. À quand les Femen à la Mosquée de Paris ? (1) « La Liberté des hommes. Lecture politique de la Bible », Éditions Odile Jacob. (2) Le Figaro, 9-10 février 2013. blog.lefigaro.fr/rioufol