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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2011.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte
républicain,
et de liberté religieuse.
présentée par Messieurs Jean-François COPÉ et Christian JACOB, députés
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le principe de laïcité est un fondement de notre République que l’article 1
er de la Constitution du 4 octobre 1958 définit comme « une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
Principe de neutralité de l’Etat en matière religieuse, la laïcité repose
sur une distinction claire de la sphère politique et de la sphère
religieuse et emporte une séparation des Eglises et de l’Etat.
Ce principe de laïcité n’est pas la négation des religions ou le combat
contre celles-ci. Il garantit la liberté de conscience et la liberté de
culte et assure le respect des croyances de chacun. En effet, la laïcité
implique le droit pour chacun de pratiquer son culte, s’il le souhaite,
dans le respect de celui des autres et dans le respect des lois de la
République.
Le principe de laïcité est ainsi
- un principe de liberté, qui assure que chacun ait la liberté de croire ou
de ne pas croire, ainsi que la liberté de changer de conviction religieuse
;
- un principe d’égalité, qui garantit, par la neutralité de l’Etat,
l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de religion
et dans le respect du pluralisme ;
- un principe de fraternité, fondement de notre vivre ensemble au-delà des
différences de convictions, caractérisé par le respect des lois de la
République et de la liberté de conscience d’autrui.
En France, depuis quelques années, ce principe est l’objet de remises en
cause :
- D’abord, à cause de l’ignorance : la méconnaissance de l’autre, de
sa confession ou de sa philosophie, de ses espérances ou de ses doutes,
entretient les peurs et le repli sur soi, au détriment de la solidarité
nationale.
- Ensuite, lorsque des valeurs essentielles de la République –
égalité entre les hommes et les femmes, liberté de conscience, respect de
l’ordre public, neutralité de l’Etat et de ses agents – font l’objet de
contestations pour motifs religieux et que, parfois, des responsables
politiques acceptent, au nom d’accommodements prétendument raisonnables,
des aménagements qui reviennent à faire primer les règles d’une religion ou
d’une communauté sur les lois de la République.
- Enfin, le principe de laïcité est contesté lorsque des extrémistes
cherchent à instrumentaliser la religion à des fins politiques, au
détriment des croyants qui sont, toujours, les premières victimes de ces
manœuvres.
Parce que le principe de laïcité est le meilleur moyen de concilier liberté
religieuse et vivre ensemble, parce qu’il est un projet d’avenir pour
consolider la communauté nationale, nous avons la conviction que des moyens
renforcés doivent être mis en œuvre pour garantir son respect, assurer sa
pédagogie et assurer la diffusion des droits et des devoirs qui en
résultent, notamment dans un souci de clarté et d’intelligibilité des lois
de la République en élaborant un code de la laïcité et de la liberté
religieuse.
Tout en défendant sans ambiguïté la liberté religieuse, nous ne pouvons pas
rester indifférents face au développement de dérives qui, sous couvert de
liberté de manifester ses croyances et de relativisme culturel, constituent
une négation de notre vivre ensemble, une mise en cause de ce qui fait la
spécificité du modèle républicain français et fragilisent l’ensemble de la
communauté nationale.
Nous devons faire preuve de fermeté, réaffirmer solennellement notre
attachement au principe constitutionnel de laïcité, et rappeler clairement
les devoirs qui en résultent, au premier rang desquels l’interdiction de se
prévaloir de ses croyances religieuses ou de son appartenance à une
communauté pour s’affranchir des règles communes régissant les relations
entre collectivités publiques et particuliers. Nous devons rappeler que,
dans le cadre des services publics et des structures concourant à une
mission d’intérêt général, cette obligation de neutralité interdit que, au
nom de ses convictions religieuses, on récuse un personnel de
l’administration, on demande à bénéficier de dérogations de nature à mettre
en cause le bon fonctionnement du service, on entende échapper à certains
enseignements…
Mais parce que le principe de laïcité assure la liberté de conscience,
c’est, plus largement et au-delà des rapports avec les pouvoirs publics, la
liberté religieuse qui doit être réaffirmée. Nous contredisons ainsi tous
ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques. Dans les
limites qu’imposent les exigences de l’ordre public, le respect de la
liberté de conscience de chacun contribue au mieux vivre-ensemble.
Dans cet esprit et conformément aux principes énoncés par la loi du 9
décembre 1905, c’est la possibilité pour chacun de ceux qui le souhaitent
de vivre leur croyance dans le respect des droits d’autrui et de l’ordre
public qui doit être assurée. C’est la raison pour laquelle doivent être
clarifiées les règles relatives au financement de la construction et à
l’entretien des lieux de cultes. Les associations cultuelles ou à but
religieux doivent pouvoir financer, grâce aux dons de leurs membres,
l’édification de lieux de culte à taille humaine, selon leur besoin, dans
le respect des règles d’urbanisme et dans la plus grande transparence. Hors
manifestations traditionnelles, nul ne peut se satisfaire d’un exercice
récurrent du culte sur la voie publique, qui cause un trouble à l’ordre
public.
Dans le même esprit, c’est la raison pour laquelle doivent pouvoir être
respectées les dernières volontés de chacun, en garantissant que les
défunts puissent être inhumés conformément à leurs vœux, tant que l’ordre
public n’est pas mis en cause. De même encore, faut-il améliorer le régime
juridique des ministres du culte ou de l’abattage rituel.
Nous voulons aussi rappeler les devoirs du service public de l’audiovisuel,
qui contribue à la liberté religieuse, en permettant aux personnes
invalides ou dépendantes d’exercer leur culte.
Mais parce que toute liberté a pour borne la liberté d’autrui, il est
souhaitable que, dans le cadre particulier de l’entreprise, puisse être
imposée une certaine neutralité en matière religieuse, notamment, lorsque
cela est nécessaire, un encadrement des pratiques et tenues susceptibles de
nuire à un vivre ensemble harmonieux.
Parce que chaque Français est important et doit être considéré, respecté,
qu’il ait ou non une religion et quelle que soit sa religion, nous avons la
conviction qu’il est nécessaire de réaffirmer solennellement notre
attachement au respect du principe de laïcité, fondement de notre
République, et de la liberté religieuse, qui sont les conditions d’un
projet d’avenir pour mieux vivre ensemble.
Tel est le sens de la présente proposition de résolution que nous vous
demandons d’adopter.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et
spécialement son article 10 qui dispose que « Nul ne doit être inquiété
pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l’ordre public » ;
Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, par lequel « le
peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction
de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et
sacrés », et spécialement son alinéa 6 qui énonce que « Nul ne peut être
lésé, dans son travail ou dans son emploi, en raison de ses origines, de
ses opinions ou de ses croyances » ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et spécialement son article 1er qui
dispose que « La France est une République indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les
citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte
toutes les croyances. Son organisation est décentralisée » ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et
notamment ses articles 2 et 18 qui énoncent respectivement que « Chacun
peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés
dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race,
de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de
toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de
naissance ou de toute autre situation » et que « Toute personne a droit à
la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la
liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de
manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public
qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
l'accomplissement des rites » ;
Vu la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales du 4 novembre 1950, et spécialement son article 9 qui
stipule, dans son paragraphe 1er, que « Toute personne a droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de
changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou
en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement
des rites » et dans son paragraphe 2 que « La liberté de manifester sa
religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que
celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans
une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de
l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui » ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre
2000, telle qu’entrée en vigueur le 1er décembre 2009, et notamment son
article 10, qui stipule que « Toute personne a droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de
changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou
en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement
des rites » ;
Considérant que la liberté de conscience est l’un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République ;
1. Considère que la laïcité constitue un principe fondateur du pacte
républicain et inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ;
2. Souhaite que tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour garantir le
respect des principes de laïcité et de liberté religieuse et assurer la
diffusion des droits et des devoirs qui en résultent, notamment par
l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté religieuse, qui
regrouperait l’ensemble des principes et règles applicables en la matière ;
3. Estime que les acteurs de terrain ne peuvent pas être laissés seuls face
à des pressions et des pratiques extrémistes qui contestent les lois de la
République et mettent en cause l’ordre public pour des motifs religieux ;
4. Affirme solennellement que, dans une République laïque, nul ne peut se
prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles
communes régissant les relations entre collectivités publiques et
particuliers ;
5. Condamne tous aménagements de ce principe qui, au nom d’accommodements
prétendument raisonnables, consistent à transgresser les lois de la
République en cédant à des revendications communautaristes ;
6. Estime nécessaire que la pédagogie de la laïcité soit davantage prise en
compte dans les politiques publiques de formation, en particulier au sein
de l’Éducation nationale ;
7. Estime nécessaire que le principe de laïcité soit étendu à l’ensemble
des personnes collaborant à un service public ainsi qu’à l’ensemble des
structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite
enfance chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général ;
hors le cas des aumôneries et des structures présentant un caractère «
propre » d’inspiration confessionnelle ;
8. Rappelle que le principe de laïcité interdit à quiconque, dans le cadre
d’un service public, de mettre en cause son fonctionnement normal, par
exemple en se soustrayant à l’obligation scolaire, ou de récuser un agent
pour des motifs religieux ;
9. Réaffirme solennellement son attachement au respect des principes
énoncés par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises
et de l’Etat, dont les articles 1er et 2 énoncent respectivement que « La
République assure la liberté de conscience » et que « La République ne
reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ;
10. Estime souhaitable que, dans les entreprises, puisse être imposée une
certaine neutralité en matière religieuse, et notamment, lorsque cela est
nécessaire, un encadrement des pratiques et tenues susceptibles de nuire à
un vivre ensemble harmonieux ;
11. Souhaite, afin que chacun puisse exercer sa liberté religieuse,
clarifier et aménager, conformément aux exigences de transparence
financière, le régime de financement de la construction et de l’entretien
des lieux de culte ;
TROP SUCCINCT !
12. Considère que la liberté de conscience impose que puissent être
respectées les dernières volontés des défunts d’être inhumés, sans mettre
en cause la neutralité des parties communes des cimetières, dans des carrés
confessionnels ;
13. Rappelle son attachement à la mission du service public de
l’audiovisuel qui, dans le respect de son cahier des charges, contribue à
la liberté religieuse, en permettant aux personnes dépendantes ou invalides
d’exercer leur culte ;
14. Forme le vœu que la France fasse valoir dans le monde, notamment à
travers les conventions et organisations internationales auxquelles elle
participe, sa conception d’une laïcité équilibrée et de la défense de la
liberté religieuse, afin que les peuples qui cherchent la liberté puissent
s’en inspirer.