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29 septembre 2012 6 29 /09 /septembre /2012 08:35

Voilà pourquoi la vie est belle en France.

  • Classement de l'article  
  • 29 sept. 2012
  • Le Figaro
  • NATACHA POLONY

Un portrait des fractures visibles et invisibles d’un système où les inégalités sont source de désordre. À moins que ce ne soit le désordre qui ne finisse par devenir source d’inégalités pour ceux qui le subissent

C’est un retour de banlieue après une visite à des amis habitant dans le Val-d’Oise. Une séquence comme en vivent chaque jour des millions de Français. D’abord ces incivilités désormais intégrées au quotidien de nombre d’habitants de ce pays, les brutalités d’individus décérébrés appliquant la loi de la jungle à ceux qui refusent de s’y laisser entraîner : un portrait des fractures visibles et invisibles d’un système où les inégalités sont source de désordre. À moins que ce ne soit le désordre qui ne finisse par devenir source d’inégalités pour ceux qui le subissent.

Tout cela ne serait que simplement désespérant si je n’avais été accompagnée ce jour-là de mon petit garçon de 4 ans. Un môme auquel on essaie d’épargner certaines images, que l’on éloigne du journal télévisé de 20 heures à cause de ces scènes incompatibles avec son âge. Protéger son enfant de réalités hostiles, c’est le propre de tous les parents du monde. Lorsque ces réalités viennent à lui sans que l’on puisse les éviter, le seul recours possible est encore de les maquiller. Ce mercredi-là fut un enchaînement anormal de situations anormales pour une mère rentrant chez elle avec son gamin. Anormal et inacceptable en République française.

Nous sommes dans le train de banlieue, ligne Ermont-Eaubonne-Gare du Nord. Une agent de service a la mauvaise idée de suggérer à deux jeunes gens encapuchonnés de retirer leurs pieds de la banquette qui leur fait face. Elle n’est pas encore tout à fait partie, mais fuse un « Ta gueule sale p… Va te faire enc… » qu’elle fera semblant de ne pas entendre. La communauté des voyageurs regarde ailleurs. Seule une petite voix perturbe ce silence plombé, celle de mon fils qui demande : « Pourquoi les garçons ils disent des choses vilaines à la dame ? » Ne voulant pas lui laisser croire que de telles attitudes entrent dans la norme contemporaine des trains, ni qu’elles peuvent rester sans réponses de la part des garants de l’autorité, je lui explique qu’il ne s’agit pas de « choses vilaines » et que les garçons en question « rigolent » avec la dame parce qu’ils la connaissent bien. Comment rassurer un enfant inquiet tout en ne lui laissant pas croire que l’inadmissible est admis là où il ne doit pas l’être ?

À l’arrivée, une bagarre oppose trois individus à 200 mètres de la gare du Nord. Coups de pieds, coups de poings, insultes, crachats, menaces de mort. Je prends mon gamin par la main pour accélérer le pas et m’éloigner au plus vite de l’endroit en lui parlant d’autre chose. Pas assez vite hélas pour lui éviter de repérer la scène et de me poser la question « Pourquoi les monsieurs ils donnent des coups de pieds ? » Aucune hésitation de ma part : « Mais non, ce sont des copains qui font semblant de jouer à la bagarre. » Ce que les gosses peuvent être curieux à cet âge-là…

Tout en marchant vers la maison, nous attendons au passage pour piétons. Un automobiliste klaxonne pour accélérer le mouvement du feu passé au vert. Échange de doigts d’honneur. Celui de devant sort de son véhicule et s’acharne sur la portière du pressé en l’exhortant à « sortir de sa poubelle pour lui dire ça en face » . Le mot d’ordre n’est décidément pas à la paix sur la Terre pour les hommes de bonne volonté. Demi-tour, donc, afin d’éviter la suite, mais l’autre me tire par la manche pour savoir « pourquoi le monsieur il veut ouvrir la porte de la voiture ? » Du tac au tac, sans me démonter : « Parce que l’autre monsieur n’arrive pas à en sortir. »

La fin du parcours, routine de l’arrondissement, nous fait passer devant trois hommes, dans un état de décrépitude avancé, dont l’un, allongé sur le trottoir, nage dans son vomi. Habitué à cette vision, l’enfant observe et ne dit rien, sans pour autant quitter la scène des yeux. Ma réponse était pourtant prête : « Voilà ce que c’est de trop arroser un anniversaire. »

D’abord se dire que l’on n’a pas eu de chance, que cette accumulation est fortuite. Que ce n’est pas grave puisqu’il ne s’agit pas d’insécurité. Puis me vient à l’esprit le film La vie est belle de Roberto Benigni, film émouvant et terrible sur les camps de concentration, dans lequel un père parvient à tromper son fils en lui faisant croire que tout est jeu dans cet univers atroce. Aucune comparaison, bien entendu, entre les deux situations, sinon qu’il m’a fallu recourir au mensonge pour laisser à mon bonhomme l’illusion que la vie est belle.

 

 

Voir : Jai plus envie !

 

 

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Published by voxpop - dans La France en résistance

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